A l’est de la Nouvelle-Ăcosse et de l’Ăźle voisine de Cap Breton, les Français avaient fondĂ©, quelques annĂ©es auparavant, une colonie dans la baie de Placentia, sur la cĂŽte sud de Terre-Neuve. Le sieur ParĂąt, gouverneur de Placentia, rapporte Ă Louis XIV, en 1686, que, par suite des mesures qu’il a prises, il ne reste plus qu’une seule famille huguenote dans cette colonie. Plusieurs ont renoncĂ© Ă leur hĂ©rĂ©sie, comme le montrent les certificats d’abjuration inclus. Le chirurgien du port Ă©tant un huguenot, il l’a embarquĂ© sur un navire en partance pour Marseille. On est tentĂ© de dĂ©couvrir une nuance d’ironie dans la communication du gouverneur, quand il demande s’il doit arrĂȘter les Français de la religion prĂ©tendue rĂ©formĂ©e Ă bord des navires anglais, et, dans ce cas, si cette obligation s’Ă©tend jusqu’Ă ceux qui auraient Ă©tĂ© naturalisĂ©s anglais. Si telle est l’intention de Sa MajestĂ©, ajoute-t-il prudemment, il devra avoir des renforts de troupes pour ĂȘtre Ă mĂȘme de l’exĂ©cuter. La rĂ©ponse du roi montre la mĂȘme rĂ©serve. Le gouverneur devra faire arrĂȘter et envoyer en France les marins dont il s’agit, mais il devra prendre garde de ne rien entreprendre Ă cet Ă©gard sans ĂȘtre sĂ»r du succĂšs.
Le roi et son lieutenant savaient bien tous deux que la France ne tenait le petit Ă©tablissement de Placentia que par un droit assez contestable. Six ans plus tard la place fut dĂ©truite par les Anglais. Mais dans l’intervalle, le gouverneur exerça sur les quelques huguenots sans dĂ©fense de sa colonie toutes les rigueurs de l’Ă©dit de rĂ©vocation, sans craindre d’ĂȘtre rĂ©primandĂ© par le souverain. Nous pouvons voir, d’aprĂšs une lettre du ministre Louvois au sieur ParĂąt en 1689, avec quelle exactitude il exĂ©cuta la volontĂ© royale:
Versailles, le 7 juin 1689.
Le Roy a approuvĂ© la conduite que vous avez tenue pour la fille du sieur Pasteur, en l’envoyant aux religieuses de QuĂ©bec, et Sa MajestĂ© vous laisse la libertĂ© d’obliger les nouveaux convertis dont la conduite n’est pas assez exacte Ă y envoyer leurs filles, pour leur apprendre les devoirs de la religion et y ĂȘtre gardĂ©es jusqu’Ă ce qu’on trouve Ă les marier Ă des bons catholiques. Vous observerez cependant d’y apporter quelque mĂ©nagement en sorte que ce soin n’effarouche point les nouveaux convertis et ne les oblige point Ă prendre le party de passer aux Anglois.
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