Ngomo, Gabon (1914-1916)

Correspondance et rapports de mission de Paul Émile Pasteur

En 1913, la SociĂ©tĂ© des Missions Ă©vangĂ©liques de Paris envoie Paul Émile Pasteur au Gabon diriger la station de Ngomo sur l’OgohouĂ©, (en aval de LambarĂ©nĂ© oĂč est installĂ© le Dr. Schweitzer) et s’occuper de la scierie qui n’a plus de responsable. Deux ans plus tard, Paul Émile Pasteur devra rentrer prĂ©cipitamment en Suisse, atteint d’une double pleurĂ©sie qui l’obligera Ă  subir trois opĂ©rations consĂ©cutives et une longue convalescence qu’il mettra Ă  profit pour Ă©tudier la mĂ©decine et s’initier au mĂ©tier d’infirmier.

Sommaire

  1. Lettre de Paul Émile Pasteur à Jean Bianquis (mai 1914)
  2. Lettre de Paul Émile Pasteur Ă  Jean Bianquis (dĂ©cembre 1915)
  3. Lettre de Paul Émile Pasteur à Jean Bianquis (juillet 1916)


Lettre de Paul Emile Pasteur à Jean Bianquis, Directeur de la Société des Missions évangéliques de Paris)
N'gĂŽmĂŽ, le 15/5 1914

Cher Monsieur,

Quelques mots seulement pour vous annoncer mon heureuse arrivée ici aprÚs une traversée des plus calme.

J'ai été reçu ici d'une façon tout à fait amicale et me suis trouvé à l'aise aussitÎt.

A Libreville, [...?] instituteur m'a reçu ou plutÎt est venu me prendre à bord le soir de notre arrivée. J'ai passé la nuit dans la maison missionnaire de [Baraka?]

Mon impression a été excellente [?] l'instituteur. Ses élÚves chantent bien, garçons et filles, des cantiques en français.

La prononciation n'est pas excellente, mais c'est compréhensible, et ils semblent comprendre le sens de leurs paroles.

Je n'ai eu qu'une heure pour visiter la station car le bateau partait à 8 heures, mais j'ai pu me rendre un peu compte de [...?]. La maison principale est une peu délabrée, mais la chapelle et l'école semblent à premiÚre vue en bon état. Le bateau [à] moteur pourrait encore rendre de bons services. Il est seulement rouillé mais aux dires du chauffeur que j'ai vu, il n'a pas de mal.

Tant l'évangéliste que l'instituteur se réjouissent beaucoup de [...?] des blancs de temps en temps, et ils espÚrent aussi [...?] à demeure.

L'instituteur aimerait je crois poursuivre ses études plus avant mais il attend pour cela l'arrivée d'un blanc. Il me parait un homme de confiance.

En arrivant à N'gÎmÎ, ma toute 1Úre impression (s'il est vrai qu'on peut savoir le classement de ses impressions) a été une déception de trouver le pays déjà si bien civilisé. Il semblait inutile d'apporter plus. Je me rends compte maintenant qu'il reste encore beaucoup à faire / à poursuivre. D'autant plus que cela a bien commencé; il importe donc de bien continuer.

Je ne peux vous donner maintenant des impressions bien utiles car elles sont sans autorité.

Lorsque j'aurai fait quelques expériences, je pourrai mieux me prononcer.

Une chose me semble certaine, c'est qu'on peut aimer les noirs comme les blancs, il y a le mĂȘme phĂ©nomĂšne de sympathies naturelles qui se produit.

J'ai déjà envers les élÚves de l'école une grosse dette de reconnaissance car ils m'ont procuré beaucoup de joie tant par leurs chants que par leur physionomie ouverte et joyeuse. Je ne me sens déjà plus un étranger pour eux.

Excusez ma briÚveté, le peu de temps et [...?].

Ma santé est bonne à tous égards.

Croyez cher Monsieur à mes sentiments distingués.

Paul E. Pasteur

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Lettre de Paul Émile Pasteur Ă  Monsieur Bianquis, Directeur de la SociĂ©tĂ© des Missions Ă©vangĂ©liques de Paris
NgĂŽmĂŽ, le 19/12 1915

Cher Monsieur Bianquis,

Il y a longtemps que je [...?] de répondre à votre lettre, non pas que je n'attache pas d'importance à cela, mais à cause des événements qui se sont succédés si rapidement, ne me laissant pas le [repos?] nécessaire à une correspondance réfléchie.

La nouvelle que nous apporte le dernier courrier, loin de me donner plus de loisirs, m'oblige cependant à ne pas différer plus longtemps cette lettre.

Vous trouverez ci-joint une lettre adressée aux comités des missions et de la S.A.I.O.* [réunis?], dans laquelle j'expose les changements qui se sont succédés depuis la mort de M. Haug et l'arrivée de M. Champel.

Je ne m'Ă©tends donc pas davantage sur cette question. Je veux cependant insister sur le fait que c'est indĂ©pendamment de moi-mĂȘme que je dĂ©fends l'existence de la S.A.I.O. de NgĂŽmĂŽ.

Je sais jusqu'à quel point M. Haug s'y était absorbé, et combien M. Champel y est attaché aujourd'hui plus que jamais, alors que M. Haug, avec lequel il était intime plus que nous tous, n'est plus là pour partager ses soucis et ses nouvelles responsabilités.

Ce serait pour lui une nouvelle souffrance que d'abandonner cette oeuvre à laquelle il s'est donné tout entier dÚs l'origine.

Je comprends fort bien la difficultĂ© dans laquelle se trouve la mission en ce moment, mais puisque vous garderiez de toute façon M. Champel comme artisan Ă  NgĂŽmĂŽ, la dĂ©pense serait la mĂȘme pour lui, et je peux vous assurer que NgĂŽmĂŽ pourra se passer d'artisan tant que nous seront ici.

Nous vivons donc un [...?] de parfaite harmonie avec M. Soubeyran et Faure, nous aidant mutuellement autant qu'il se peut.

Ne serait-il pas vraiment dommage de perdre le fruit de tant d'efforts pour la somme que représente mon salaire que je suis disposé à diminuer encore si cela peut vous décider à différer votre décision.

Il y aurait dans la fermeture actuelle un effet moral désastreux pour la mission.

Les commerçants seraient trop heureux de voir ce triste résultat.

Est-il bien de le leur offrir en pĂąture ? ...

Pour le reste, tout va bien, M. Soubeyran, toujours le mĂȘme, ne peut se rĂ©soudre Ă  refuser les demandes d'entrĂ©e Ă  l'Ă©cole, aussi sont-ils au nombre de 100 environ.

Une 12ne de filles forment une petite école chez Mad. Champel.

Noël sera donc d'autant plus joyeux cette année qu'il y aura plus de jeunes coeurs pour s'en réjouir ...

... En Europe que [sera-ce?] que ce Noël, encore une fois rougeoyant.

Il est difficile de se représenter un tel contraste, et instinctivement on ferme les yeux pour ne pas voir.

La santé générale est bonne, quoique nous soyons au plus mauvais moment de l'année.

L'indigĂšne souffre du manque de [tabac?], mais peut-ĂȘtre s'y habituera-t-il ? Pour son plus grand bien, je n'ose pas trop l'espĂ©rer.

Le manque d'argent ne peut que lui faire du bien dans tous les cas, il avait été trop gùté vraiment par la [...?], et ce sont les plus riches d'alors qui souffrent le plus aujourd'hui dans leur orgueil et leur goût des plaisirs.

Peut-ĂȘtre aussi cette situation facilitera-t-elle l'Ă©closion du travail de la terre.

Plusieurs se tournent de ce cÎté, comprenant l'instabilité du commerce du bois.

Cette tendance, si elle se confirme, donnera une [grosse?] plus-value Ă  la colonie si propice Ă  la culture du palmier Ă  huile.

La maison, ou plutĂŽt l'appartement de M. Haug, est toujours vide, et sous scellĂ©s, il nous est difficile de nous habituer Ă  l'idĂ©e de ne plus le voir habitĂ©. L'intensitĂ© du travail nous empĂȘche d'y penser toujours, mais souvent encore il nous semble voir apparaĂźtre M. Haug ici ou lĂ , tant la station toute entiĂšre est pleine de lui.

Je vous prie d'excuser cette lettre peu claire, je suis [à bout?] tant ce courrier nous a donné de travail supplémentaire et pressé.

Veuillez me rappeler aux bons souvenirs de Madame Bianquis, et agréer, cher Monsieur, mes salutations bien sincÚres.

P. E. Pasteur

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Lettre de Paul Émile Pasteur Ă  Monsieur Bianquis, Directeur de la SociĂ©tĂ© des Missions Ă©vangĂ©liques de Paris **
Ngomo, 4 juillet 1916

Il y a longtemps que j'aurais dû et voulu vous écrire, mais le peu de loisir que me laisse le travail de la S.A.I.O.*, si je ne l'emploie à l'étude du Gabonais que je veux posséder, c'est que le sommeil me gagne.

Excusez-moi je vous prie de ce silence prolongé, il n'est pas désintéressement, mais simple résultat des circonstances actuelles qui demandent un effort particulier.

Dans ma derniĂšre lettre, je vous disais ĂȘtre sur le point de partir en congĂ©, dĂ©part renvoyĂ© de mois en mois Ă  cause des Ă©vĂ©nements.

J'avais besoin essentiellement de repos moral. La tension continuelle du travail d'atelier, l'effort toujours renouvelé, quelquefois vain, pour maßtriser ses nerfs en face de l'indigÚne trop lent ou paresseux avaient beaucoup contribué à cette fatigue, qui n'avait rien de physique.

J'étais heureux aussi de saisir cette occasion pour visiter les stations du haut, inconnues pour moi, passé Lambaréné.

Le voyage jusqu'Ă  Talagouga s'est effectuĂ© entiĂšrement en pirogue (je prĂ©fĂšre ce mode Ă  tout autre) en trois Ă©tapes. De Ngomo Ă  LambarĂ©nĂ©, avec une Ă©quipe de 12 garçons de l'Ă©cole, 14 heures de pirogue. Un jour d'arrĂȘt Ă  LambarĂ©nĂ©.

De là à Sam-Kita plantation, nouvelle équipe de garçons de l'école, mais cette fois de tout petits, qui n'avaient jamais fait le voyage. Tous les autres étaient occupés ou en voyage de communion.

En temps ordinaire, l'Ă©tape est de 12 Ă  14 heures; nous avons mis 21 heures! Partis Ă  4 heures du matin, et sans plus d'arrĂȘt que le temps de manger pour mes pagayeurs en miniature, nous ne sommes arrivĂ©s qu'Ă  1 h. 1/2 de la nuit suivante.

DÚs les 4 heures du soir, menace continuelle de tornade, éclairs de tous cÎtés, grondements lointains. Un moment je m'en suis réjoui, espérant que ce serait un stimulant pour l'équipe; mais rien ne pouvait vaincre leur sommeil. Ils allaient, tels des automates insensibles. Nous longions un banc de sable, la nuit tombait, et pas un village à l'horizon. Un fort vent, prélude des bourrasques si fréquentes et subites d'ici, me conseillait d'établir le campement sur le sable et d'y passer la nuit; mais l'orage passa sans nous toucher et, dÚs lors, nous précéda toute la nuit.

Nous allions si lentement pour finir que parfois - est-ce imagination ou réalité? - j'avais l'impression de redescendre.

Plusieurs des pauvres gosses dormaient vĂ©ritablement, et si M. Rambaud n'avait pas Ă©tĂ© Ă  la veille d'une course de communion, j'aurais arrĂȘtĂ© la course Ă  la station, Ă  1 heure en aval de la plantation.

De Sam-Kita à Talagouga, ce fut plus rapide, avec des ouvriers comme pagayeurs, et départ à 10 heures du soir, immédiatement à la suite d'une forte tornade. Grande fraßcheur, moins de fatigue, arrivée à Talagouga à 1 h. 1/2 du soir, par un fort courant d'eau croissante.

Je ne vous donne pas de détails sur le pittoresque de la route; chacun trouve dans le paysage ce qu'il aime, et s'y attache.

Sans doute on peut dire que c'est monotone: des arbres toujours des arbres, rien que des arbres. Mais si, par la pensée et les yeux de l'imagination, on fouille ces taillis impénétrables, ils se peuplent aussitÎt et deviennent captivants.

Et puis, il y a des villages ici et lĂ , tantĂŽt d'un cĂŽtĂ©, tantĂŽt de l'autre, tout prĂšs ou Ă©loignĂ©s de la largeur du fleuve. De loin, c'est propre, symĂ©trique, agreste; de prĂšs, c'est plus vrai, c'est-Ă -dire plus sale, mais aussi, c'est animĂ©. Il y a lĂ  dedans des Ăąmes, dans des enveloppes noires, il est vrai, dans des cases noires de fumĂ©e, des ĂȘtres Ă  l'esprit souvent noir d'ignorance et de superstition, dont l'horizon est aussi bas que leur front, aussi Ă©troit que leurs cases de paille, mais dans les yeux desquels on voit briller parfois, chez les enfants particuliĂšrement, comme la lueur d'une espĂ©rance incomprise dont ils ont la nostalgie.

C'est si fugace qu'il faut en avoir vu beaucoup pour se souvenir d'une seule de ces clartés.

Il y a les pirogues que l'on croise aussi, qui sont autant de contacts rapides, mais qui donnent Ă  l'esprit de quoi travailler un bon moment.

Et les chants des pagayeurs, et ceux des oiseaux, et le vacarme des mille bruits dont le grand silence tropical est rempli, et toutes les guirlandes, les festons, les grappes artistement dessinées, les ombres aux tons chauds et profonds, les éclairs subits que le soleil sÚme et fait pénétrer jusque dans le lit du fleuve en eau claire, que de joies pour les yeux et les oreilles, que de richesses naturelles que l'on voudrait pouvoir accaparer pour en faire jouir les amis au retour!

Joies Ă©phĂ©mĂšres? Non, car elles mettent au coeur ce sens subtil qui permet de comprendre une nature nouvelle, celle mĂȘme qui a façonnĂ© l'Ăąme du peuple auquel nous voudrions donner quelque chose de la nĂŽtre.

Et, à mieux comprendre cette nature, à mieux, l'aimer, on comprendra mieux, et on aimera plus utilement ceux qui en sont le résultat. Leur grand calme naturel que nous, Européens, nés dans l'agitation et la fiÚvre, appelons lenteur, est un des meilleurs fruits de cette paix grandiose. Puisse-t-il ne pas disparaßtre complÚtement!

Dans une des annexes du Mvobi, un affluent de l'OgoouĂ©, visitant un village Ă©cartĂ©, j'ai pu voir des indigĂšnes auxquels le contact europĂ©en n'avait pas encore donnĂ© son vernis de civilisation. Et ce fut pour moi une confirmation de mes observations prĂ©cĂ©dentes, qu'ils sont plus accessibles Ă  la moralitĂ© chrĂ©tienne que beaucoup de ceux qui vivent Ă  l'ombre des stations et qui sont revĂȘtus d'un ample manteau d'hypocrisie.

Chez eux pas de mendicité, de la fierté native, de la méfiance, beaucoup de réserve, mais une attention respectueuse à toute parole apportant un message de Dieu.

Ils deviendront commerçants comme les autres, essayeront d'obtenir le maximum de marchandise avec le minimum de travail; leurs superbes muscles y perdront en souplesse, et leur noble allure de libres fils de la terre deviendra de la servilitĂ© pour l'amour de l'argent. A moins d'ĂȘtre accueillis et couvĂ©s sur terrain missionnaire, ils risquent fort de passer de l'Ă©tat d'hommes libres Ă  l'Ă©tat d'esclaves, non des hommes, mais des nouvelles passions que la civilisation leur apporte.

Au retour, j'ai séjourné une quinzaine à Lambaréné, profitant le plus et le mieux possible de ce que le docteur Schweitzer a eu la bonté de me montrer au sujet des cas les plus fréquents parmi les indigÚnes.

Ce court contact avec le cĂŽtĂ© physique de l'indigĂšne m'a montrĂ© la grande importance qu'il faut attacher Ă  la part mĂ©dicale des Ă©tudes missionnaires. Le soin des malades est une des meilleures portes pour pĂ©nĂ©trer dans l'intimitĂ© et la confiance du noir de l'indigĂšne, et je regrette souvent d'ĂȘtre obligĂ© de refuser Ă  l'indigĂšne tel ou tel soin ou l'opĂ©ration qu'il rĂ©clame de moi. [...]

Le travail physique et intellectuel est ici plus difficile qu'en Europe [...].

Or M. Champel s'use par un travail forcé de chaque jour pour satisfaire aux exigences du Comité, et afin que l'oeuvre conçue par M. Haug et exécutée par lui [...] au nom de la charité chrétienne, c'est que en demandant à M. Champel un gros effort pour la viabilité de l'affaire, il lui soit aussi envoyé un peu de cet encouragement amical dont tout homme, et particuliÚrement lui, a besoin, pour soutenir cet effort qui l'épuise et que pourtant il donne volontiers.

Chaque courrier est pour lui l'occasion d'une forte dépression morale, et pour moi la crainte de le voir s'aliter d'épuisement.

A supposer que la S.A.I.O. soit une erreur, celui qui la défend a déjà bien assez de mal à la faire tenir debout sans qu'il lui soit répété à chaque fois le point faible et sensible qui s'y trouve. [...]

J'en arrive Ă  M. Pelot.

Je n'ai aucune autorité reconnue pour juger de cette affaire et cependant à titre privé, en ami, je me permets de vous dire ma pensée à ce sujet.

M. Pelot était missionnaire avant tout.

Sans doute il était l'artisan aux bras puissants, et son surnom d'éléphant lui venait bien de son travail physique.

Mais il Ă©tait missionnaire dans ses rapports avec l'indigĂšne, travaillant sans fiĂšvre, moins rapidement que d'autres, sans doute, s'arrĂȘtant parfois pour parler Ă  l'indigĂšne d'un sujet que les circonstances du travail mettait en Ă©vidence.

S'efforçant d'entrer dans leur vie, de les comprendre, de les aimer jusque dans leurs imperfections. Ne cherchant pas à substituer sa mentalité à la leur, il s'est fait de beaucoup d'entre eux des amis - et des amis qui souffriront autant que nous de ne plus le revoir.

La décision du Comité me paraßt arbitraire parce que sans précision.

M. Pelot est parti d'ici dans des circonstances tout particuliÚrement pénibles, ayant perdu en M. Haug un ami avec lequel il avait travaillé toute sa vie au Congo.

Il a quitté NgÎmo avec la presque certitude d'y revenir, ne prenant congé définitif de personne.

M. Pelot est vieux et fatigué par ses séjours ici, il a atteint presque la limite lui donnant droit à une juste retraite, lui demander aujourd'hui de recommencer une vie en Europe qui lui fournisse les moyens d'élever sa famille est un peu brutal et je ne comprend cela de la part d'un comité composé de personnalités qui connaissent la vie, qu'à cause de l'environnement et des soucis sans nombre que la guerre a accumulé sur ses épaules.

M. Pelot ne protestera pas, il est trop fier pour cela, et sa confiance en Dieu est assez grande pour lui donner la force de tout sacrifier pour ne contrarier en rien une dĂ©cision du comitĂ©, mais il en souffrira, et cette souffrance devrait lui ĂȘtre Ă©pargnĂ©e par Ă©gard des services rendus et de son grand Ăąge.

S'il savait ce que je dis à son sujet, il en serait fùché, aussi je compte qu'il n'en saura rien.

Et maintenant, Ă  vous de m'excuser, s'il vous est possible, la brusquerie de mon langage.

Vous pouvez en ĂȘtre fĂąchĂ©, mais ne m'en voulez pas, car je le fais au plus prĂšs de ma conscience, avec le dĂ©sir d'ĂȘtre utile au plus grand nombre.

Le manque de temps ne me donne pas le loisir de choisir mes phrases et de faire de la diplomatie dans mes lettres, du reste, je laisse ces choses-lĂ  par ce qu'elles voile (sic) la vĂ©ritĂ© qui gagne Ă  ĂȘtre vue quand elle est sincĂšre et bienveillante.

Santé toujours bonne, espÚre pouvoir prolonger au delà des 3 ans officiels.

M. Soubeyrant se maintient mais il ne faudrait pas tarder Ă  songer Ă  son remplacement, il l'espĂšre un peu.

M. et Mme Faure vont bien en ce moment.

Excusez-moi encore, et ne voyez dans ma lettre que le désir d'une plus grande unité entre la S.A.I.O. et la mission d'une part, et le comité et les artisans et missionnaires d'autre part.

Veuillez me rappeler au bon souvenir de madame Bianquis et recevoir mes salutations de respectueuse amitié.

P. Pasteur


Notes :
* La SociĂ©tĂ© Agricole et Industrielle de l’OgoouĂ© (S.A.I.O.) comprenait une plantation agricole, prĂšs de Samkita, dirigĂ©e par FĂ©lix Faure; et la scierie industrielle de Ngomo, dont s’occupait Ernest Haug.

** Des extraits de cette lettre (la premiĂšre partie) sont parus dans le Journal des Missions de la SMEP (1916, pp. 502-505) sous le titre « Une rapide tournĂ©e Ă  travers nos stations ». Deux pages de la lettre originale manquent, ce qui explique les coupures, signalĂ©es par des […].

Source : Archives familiales et archives de la SMEP, DEFAP, Paris.

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Voir aussi: