Né le 28 août 1769 à Salins, Jean-Henri Pasteur, le grand-père de Louis Pasteur, a lui aussi appris le métier de tanneur, plus particulièrement celui de «chamoiseur», c’est-à-dire de celui qui prépare les peaux les plus fines et les plus souples. Après un court passage dans l’armée, au Royal d’artillerie de Metz de novembre 1788 à janvier 1791, le jeune homme obtient sa libération avant la fin normale de son engagement et est «congédié par grâce» pour régulariser une situation délicate: il peut ainsi épouser le 1er mars 1791 une jeune fille de Besançon, Gabrielle Jourdan, déjà enceinte, qui donnera naissance seize jours plus tard à un garçon, Jean-Joseph Pasteur. Un contrat de mariage est passé en bonne et due forme: Jean-Henri Pasteur reçoit de son père 1200 livres de dot qui lui permettent de s’installer comme tanneur-chamoiseur à Besançon; Gabrielle Jourdan, un trousseau de 1200 livres avec nappes, linges, habits, etc., auquel s’ajoutent 1200 livres promises par ses parents à l’issue de la première année de noces. Mais Gabrielle Jourdan meurt un an plus tard, le 18 août 1792. Jean-Henri Pasteur se remarie le 27 novembre à Voray avec Thérèse Saint, qui lui donne une fille, Jeanne-Antoine Pasteur, l’année d’après. Il décède hélas à son tour le 4 septembre 1796. En cette époque troublée et dans un contexte de crise économique latente, pas question pour la jeune veuve d’assurer seule l’éducation des deux enfants. La solution choisie est finalement qu’elle retourne dans sa famille en Haute-Saône avec sa petite fille de trois ans et que le petit Jean-Joseph, le futur père de Louis Pasteur, qui a cinq ans et demi, soit recueilli à Salins par ses grands-parents paternels.
Que trouve-t-il à Salins? Son grand-père, qu’il ne connaîtra pas longtemps puisqu’il disparaît deux ans plus tard; sa grand-mère; deux de ses tantes, Claudine-Marguerite et Jeanne-Antoine, qui ne se mariera qu’en 1803 et sera considérée par l’enfant comme sa véritable mère; un oncle, Jean-Charles Pasteur, le plus jeune frère de son père, qui reprend la tannerie familiale. Une famille qui l’élèvera avec beaucoup d’affection et lui offrira une instruction simple (il apprend à lire et à écrire), avec une éducation rigoureuse fondée sur l’honnêteté et l’amour du travail. A douze ans, Jean-Joseph Pasteur commence son apprentissage de tanneur, à la fois chez son oncle, dans l’entreprise familiale, et chez d’autres artisans de la ville. Mais les guerres de l’Empire vont vite mettre un terme provisoire à sa courte carrière. La France est entrée dans une période de guerres européennes incessantes. Le besoin de soldats multiplie les conscriptions… et peu après ses vingt ans, Jean-Joseph Pasteur tire un mauvais numéro et doit partir pour l’armée le 13 mai 1811. Peut-être est-ce sans aucun regret qu’il quitte son pays natal, car il est et sera toujours un fervent admirateur de Napoléon.
Il est incorporé au IIIe régiment d’infanterie de ligne et est dirigé sur l’Espagne. Son bataillon participe en Navarre et en Biscaye aux combats contre la résistance espagnole conduite par Espoz y Mina. En 1812, le jeune homme est fait caporal; en 1813 fourrier. En janvier 1814, son régiment doit regagner la France, attaquée sur ses frontières nord. Regroupé au sein de la division Leval, le IIIe régiment d’infanterie de ligne rencontre à Bar-sur-Aube les troupes de Blucher: 8 000 Français contre 40 000 Prussiens, Bavarois, Russes et Autrichiens. Le régiment tout entier se comporte avec tant de courage qu’il est nommé «le brave parmi les braves» et sa conduite au combat vaut à Jean-Joseph Pasteur la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Le 21 mars, près d’Arcis-sur-Aube, la bataille est encore plus rude; les 276 hommes survivants du bataillon sont retirés des combats et repliés sur Fontainebleau. Après 1’abdication de l’Empereur le 6 avril, le bataillon est envoyé dans l’Eure et le régiment prend le nom de Royal Dauphin. Enfin, le 31 juillet 1814, c’est la démobilisation, avec un «certificat de congé absolu».
Par petites étapes, Jean-Joseph Pasteur rentre à Salins. Il y retrouve son oncle – sa grand-mère est par contre décédée – et reprend quelque temps avec lui son métier de tanneur. Peut-être songe-t-il même à lui succéder? Il s’éprend d’une voisine, Jeanne-Étiennette Roqui, la fille d’un jardinier qui habite sur l’autre rive de la Furieuse. On parle mariage lorsque Napoléon rentre de l’île d’Elbe, gagne Paris, reconstitue une armée et repart en guerre.
Considéré comme fervent bonapartiste, Jean-Joseph Pasteur reçoit le 14 juin 1815 une lettre du préfet le nommant sous-lieutenant d’un régiment du Jura nouvellement créé à compter du 19 juin. Waterloo (18 juin 1815) mettra un terme à cette nouvelle aventure, mais le jeune Pasteur sera définitivement considéré comme un opposant par le nouveau gouvernement. Un incident en pleine ville avec un gendarme du roi le fait arrêter et il ne doit sa libération qu’à la compréhension de l’officier autrichien dont les troupes occupent encore militairement le pays. Aussi Jean-Joseph Pasteur ne s’attarde-t-il pas à Salins: il épouse le 27 août 1816 Jeanne-Étiennette Roqui et part aussitôt après avec elle à Dole, où habite déjà une de ses tantes, Marguerite Pasteur, et où un parent par alliance cherche à céder sa tannerie, rue des Chevannes. Avec sa part d’héritage et les prêts de deux de ses oncles, il peut acheter l’entreprise, dont il remboursera les dernières annuités en novembre 1822, juste avant la naissance de son fils Louis Pasteur. Toute la famille s’installera quelques années plus tard à Arbois, et c’est là que grandira le savant.
Source : Généalogie de Louis Pasteur, article de Marie-Odile Mergnac paru dans Gé-Magazine, N° 106, juillet 1992.
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