Dictionnaire historique et anecdotique des bourreaux

Dictionnaire historique et anecdotique des bourreaux Couverture du livre Dictionnaire historique et anecdotique des bourreaux
Danielle DĂ©morest, Michel DĂ©morest
Gens de justice
1996
Broché
446

Extraits


Avant-propos de la premiĂšre Ă©dition (1996)

En septembre 1992, par suite d’une « dĂ©convenue professionnelle », je me retrouvai avec un capital-loisir assez confortable. Musicien Ă  mes heures perdues, j’avais largement dĂ©passĂ© l’Ăąge pour me lancer dans la chanson. Aussi, moins par ennui que par curiositĂ©, je m’investissai dans la gĂ©nĂ©alogie, activitĂ© de plus en plus prisĂ©e depuis le bicentenaire de la RĂ©volution Française.

De vagues souvenirs d’enfance, oĂč je feuilletais le dictionnaire Ă  reconstruire la gĂ©nĂ©alogie des rois de. France, m’autorisaient Ă  penser que cette science Ă©tait frite pour moi. De plus, le bruit avait couru dans la famille que nous Ă©tions descendants de… bourreaux.

C‘Ă©tait le moment oĂč jamais de me remuer, de me lancer dans la bagarre, comme disait mon ancien patron, dans les semaines qui prĂ©cĂ©dĂšrent notre sĂ©paration. EncouragĂ© par mon Ă©pouse, j’expĂ©diai bientĂŽt mes premiĂšres demandes d’Ă©tat-civil aux administrations concernĂ©es.

Janvier 1993; hĂ©las, pas de bourreaux en vue; seuls des fileurs de laine et des agriculteurs se balançaient aux branches de mon arbre gĂ©nĂ©alogique. Moi, qui croyait ĂȘtre un Parisien de longue souche, voilĂ  que, de surcroĂźt, je me trouvai des ancĂȘtres en Champagne et dans le Lyonnais.

Les quelques dĂ©placements dans les bibliothĂšques, archives et cimetiĂšres de ces belles rĂ©gions ne me dĂ©livrĂš rent pas d’une torpeur naissante.

Était-ce dĂ©jĂ  la fin?

Au printemps suivant, une soirĂ©e Minitel, mais surtout l’ordinateur gĂ©o-patronymique du Centre Pompidou ravivĂšrent mes espoirs. Une dizaine de DEMOREST vivaient aux quatre coins de la Fronce et, notamment, le prĂ©nommĂ© Pierre, au pays de la lavande. Il avait effectuĂ© des recherches gĂ©nĂ©alogiques assez poussĂ©es et pouvait me renseigner aisĂ©ment, m’avait expliquĂ© sa petite-fille au tĂ©lĂ©phone. Au bout du fil, le sympathique retraitĂ© me dĂ©tailla bientĂŽt le fruit de ses recherches, mais, Ă  aucun moment nous ne pĂ»mes les faire s’imbriquer dans mes propres dĂ©couvertes: nous n’Ă©tions pas cousins !

Au moment de raccrocher, mon correspondant manifestement déçu, lùcha un dernier et péremptoire argument

– En tout cas, mes ancĂȘtres Ă©taient officiers du roi.
– C’est-Ă -dire?
– Eh bien, ils Ă©taient exĂ©cuteurs de la haute justice.
– …
– Bourreaux, ils Ă©taient bourreaux, enchĂ©rit-il!

Quelques jours plus tard, Danielle (mon Ă©pouse) et moi Ă©tions dans le T.G.V. Ă  la rencontre de mon lointain cousin.

Pierre DEMOREST avait effectivement dĂ©busquĂ© toute une armada de maĂźtres des hautes oeuvres qui, comble de l’horreur, m’Ă©taient au trois-quarts attribuĂ©s. Le brave homme avait relancĂ© mes recherches et donner le coup d’envoi Ă  une longue et extraordinaire enquĂȘte, qui allait me conduire aux quatre coins du pays.

Toute cette fin d’annĂ©e fut consacrĂ©e Ă  la reconstitution de la vie de mes ancĂȘtres Champenois (bourreaux de ChĂąlons durant un siĂšcle !), puis Picards (bourreaux de Laon Ă  partir de 1664). AlliĂ©s aux exĂ©cuteurs de Lorraine (familles ETIENNE, PICLER, ROCH) et de Normandie (familles JOUENNE, FEREY, LACAILLE), nous refĂźmes le chemin qui nous conduisit bientĂŽt aux portes de la Bretagne puis dans le centre du pays. Cet hiver lĂ , nous Ă©tions en « mission » Ă  NĂźmes, Carpentras, Aix-en-Provence… Avant de cesser cette fastidieuse Ă©numĂ©ration, laissez-moi ajouter que nous avons mĂȘme trouvĂ© un Louis Henry DESMOREST, bourreau de Bastia Ă  la fin du siĂšcle dernier.

En 1994, une vingtaine d’autres archives dĂ©partementales et communales furent visitĂ©es et leurs registres paroissiaux et d’Ă©tat-civil passĂ©s au crible. Nous commencions Ă  nous organiser. Danielle se spĂ©cialisait dans l’Ă©tat-civil (les actes en latin oĂč se nichait le « carnificis » local n’Ă©chappait pas Ă  sa sagacitĂ©), quant Ă  moi, je m’occupais de fouiner dans les revues savantes, les journaux d’Ă©poque, c’est-Ă -dire tout le reste.

Des milliers (j’insiste sur ce mot) d’actes furent dĂ©chiffrĂ©s, retranscrits, photocopiĂ©s, nous rĂ©vĂ©lant des trĂ©sors gĂ©nĂ©alogiques inestimables et inĂ©dits. DĂ©jĂ  les fameuses dynasties d’exĂ©cuteurs prenaient forme et certaines idĂ©es reçues s’estompaient. Rien de tel qu’un descendant de bourreau pour reconstituer l’imbroglio de ces ancĂȘtres. Des dispenses de mariage pour consanguinitĂ©, eh oui, des actes notariĂ©s, des jugements et sentences divers rendus Ă  leur Ă©gard, apportaient la dimension humaine que nous leur contestions.

Nous dĂ©vorions les fichiers matiĂšres de ces archives, dissĂ©quions les rubriques Bourreau, ExĂ©cuteur, Guillotine, Pilori, Havage, Justice, etc., parcourions les vieux ouvrages retraçant l’histoire des villes, des rues et des places, visitions des Monts-de-Justice, des Ă©glises, des musĂ©es pour retrouver l’empreinte de nos hĂ©ros.

Petit à petit, nous devenions des spécialistes de la justice criminelle. Nombre de documents de la série B, L et U, des archives départementales et leurs homologues en communales, furent littéralement disséqués.

Les remboursements de frais de justice du bourreau (sĂ©rie C), les transferts de prisonniers par ses soins (sĂ©rie I), les recensements (sĂ©rie F) etc., furent de prĂ©cieux complĂ©ments d’informations.

Combien d’heures avons-nous passĂ© aux Archives Nationales Ă  lire, et relire, les sĂ©ries BB3 et BB3O, et quelques autres, particuliĂšrement la cĂ©lĂšbre V1 540 (lettres de provision d’office des bourreaux). Le Minutier Central des dĂ©pouillements des actes notariĂ©s nous apprit que je descendais indirectement du tristement cĂ©lĂšbre bourreau de Paris, Jehan GUILLAUME; mais si ! souvenez-vous ! Ravaillac en 1610…

Les bibliothĂšques rĂ©gionales, ainsi que la BibliothĂšque Nationale, la BibliothĂšque Publique d’information (Beaubourg), vinrent grossir nos archives personnelles. L’incontournable livre de Jacques DELARUE (Le MĂ©tier de Bourreau), ainsi que divers ouvrages sur DEIBLER, SANSON, OBRECHT etc., nous furent des documents de base fort utiles.

Et puis, un jour, nous dĂ©couvrĂźmes la guillotine, touchĂąmes les glaives de justice, serrĂąmes la main du plus jeune exĂ©cuteur des arrĂȘts criminels encore vivant.

Notre documentation devenait impressionnante, voire envahissante. Ce n’Ă©tait plus une histoire de famille que nous constituions, mais bel et bien un inventaire de la fine fleur de la « bourreaucratie » française. Mes proches commençaient Ă  me suspecter d’une certaine morbiditĂ© et se demandaient si je ne dĂ©crochait pas un peu des rĂ©alitĂ©s quotidiennes. Pourtant, c’Ă©tait aussi leurs ancĂȘtres…

Si quelquefois les exploits des exĂ©cuteurs me faisaient tousser de gĂȘne, mon Ă©pouse, quant Ă  elle, Ă©tait radieuse de cette vie culturo-touristique qui la consolait de ses sages ancĂȘtres boulangers Ă  Lormes (NiĂšvre) et lui faisait me pardonner mes frasques agnatiques.

Quelque part, dans un souci de servir l’histoire, plus que d’obtenir un contrat d’Ă©dition, nous entreprĂźmes alors d’Ă©crire ce dictionnaire. L’ordinateur fait bien les choses.

De la Marquise de Brinvilliers, au supplice de Louis XVl, en passant par l’exĂ©cution de Buffet et Bontemps, sans nĂ©gliger les exĂ©cutions pratiquĂ©es dans la France profonde du siĂšcle dernier, la quasi-totalitĂ© des dĂ©capitations, pendaisons et autres divers supplices qu’ont subi d’illustres ou d’anonymes ancĂȘtres sont maintenant retranscrits sans complaisance dans ce livre.

Bien sur, au hasard des pages, on ne pourra toutefois pas retenir quelques frissons, quelque Ă©tonnement, quelques indignations, voire quelques Ă©clats de rire devant tant d’originalitĂ©.

Un feu d’artifice d’anecdotes, dont la plupart inĂ©dites, ont Ă©tĂ© rĂ©unis des quatre coins de la Fronce, voire aussi de Suisse, de Belgique. d’Italie ou de Hollande, nos vieux dĂ©partements du dĂ©but du XIXe siĂšcle.

Figurez-vous que les bourreaux furent plus de 2000, issus pratiquement d’une dizaine de familles qui exerçaient depuis Henri IV.

Par exemple, le bourreau de Paris, Ă  lui seul, Ă  gĂ©nĂ©rĂ© une dynastie de plus de deux-cents exĂ©cuteurs, dont l’un des descendants exerçait encore Ă  Paris en 1951.

Quel choc, peut-ĂȘtre, d’apprendre qu’on est, peut-ĂȘtre, leur descendant Et si notre ancĂȘtre avait Ă©tĂ© assassinĂ©, ou bien, s’il avait Ă©tĂ© l’aide de l’exĂ©cuteur, le lieutenant-criminel du bailliage oĂč exerçait le maĂźtre des hautes Ɠuvres, etc. Sachez que tous les personnages environnant le bourreau sont mentionnĂ©s dans cet ouvrage.

Attention aux idĂ©es reçues, les bourreaux ne se mariaient pas qu’entre eux; ils n’Ă©taient pas que de simples manants, de vulgaires condamnĂ©s qu’on sortait de prison pour annuler leur peine en Ă©change d’une tĂȘte tranchĂ©e. Beaucoup d’entre-eux Ă©taient « Officiers du Roy ».

Messieurs les charpentiers, accordeurs de pianos, vĂ©tĂ©rinaires ou chirurgiens d’aujourd’hui, sachez que naguĂšre nos amis les bourreaux excellaient dans votre art, oĂč d’aucuns se sont reconvertis dĂšs que l’occasion se fĂ»t prĂ©sentĂ©e.

Aujourd’hui, nous pensons utile de mettre un terme Ă  l’Ă©criture de ce dictionnaire afin de vous faire bĂ©nĂ©ficier dĂšs Ă  prĂ©sent de ces recherches que n’ont pas toujours pu mener au bout d’illustres prĂ©dĂ©cesseurs.

Michel Demorest

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Quand il n’y avait pas de bourreau

Selon la formule consacrĂ©e, l’origine du bourreau se perd dans la nuit des temps. Ainsi, on a retrouvĂ© en Espagne des peintures prĂ©historiques montrant un homme dĂ©sarmĂ© abattu Ă  coups de flĂšches par des archers et, en Égypte, des documents montrant des scĂšnes de pendaison et de dĂ©capitation bien avant les premiers pharaons. Mais il est permis de se demander dans quelle mesure il s’agit d’exĂ©cutions capitales au sens actuel du terme (c’est-Ă -dire Ă  la suite d’un jugement), ou plutĂŽt de sacrifices humains, destinĂ©s Ă  se concilier les dieux. Ni chez les Juifs, ni chez les Grecs, on ne trouve trace d’une institution pareille. Chez les Juifs, le condamnĂ© Ă©tait livrĂ© au peuple, qui le lapidait; chez les Grecs, l’homme condamnĂ© Ă  perdre la vie prenait, dans la prison, au milieu de sa famille et de ses amis, un poison prĂ©parĂ© de maniĂšre Ă  lui procurer une mort prompte et sans douleur. On donnait Ă  son supplice l’apparence d’une mort volontaire.

En JudĂ©e, comme Ă  Rome, le peuple exĂ©cutait lui-mĂȘme la sentence. Les Gaulois, quant Ă  eux, choisissaient volontiers des criminels pour leurs sacrifices humains. Plus tard, il est vrai, les licteurs, furent chargĂ©s de cette exĂ©cution. Mais bien rares sont les cas oĂč l’expiation du crime fut l’Ɠuvre d’un seul. Le coupable Ă©tait poursuivi par le peuple jusqu’au haut de la roche TarpĂ©ienne, d’oĂč il se prĂ©cipitait. Dans certaines sociĂ©tĂ©s, le soin de l’exĂ©cution Ă©tait laissĂ© Ă  la famille de la victime: c’était en somme la vendetta organisĂ©e. Cependant, l’idĂ©e de dissuasion se dĂ©veloppa parallĂšlement Ă  celle de punition, et la peine capitale fut rarement simple dans les sociĂ©tĂ©s mĂȘme dĂ©jĂ  Ă©voluĂ©es. Elle Ă©tait assortie et prĂ©cĂ©dĂ©e de supplices divers, qui visaient tous Ă  intimider les futurs criminels. C’étaient, entre autres, le pal oriental, les supplices chinois particuliĂšrement raffinĂ©s, la crucifixion, l’écartĂšlement, le bĂ»cher, etc.

 

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L’arrivĂ©e du bourreau

Les hautes Ɠuvres et les basses Ɠuvres ↑

En France, il faut arriver au treiziĂšme siĂšcle pour trouver trace d’un individu chargĂ© de fouetter, marquer, pendre, dĂ©capiter, rouer et brĂ»ler au nom de la loi, Il Ă©tait dĂ©signĂ© alors sous le nom de exĂ©cuteur de la haulte justice, ou maĂźtre des hautes Ɠuvres, et chaque grand bailliage en possĂ©dait un. Il accomplissait ainsi les hautes Ɠuvres du seigneur local. C’était d’ailleurs un mĂ©tier qui demandait un certain apprentissage, car il fallait, suivant le texte d’une ancienne ordonnance que le bourreau sceut faire son office par le feu, l’espĂ©e, le fouet, l’écartelage, la roue, la fourche, le gibet, pour traĂźner, poindre ou piquer, couper oreilles, dĂ©membrer, flageller ou fustiger, par le pillory ou eschafaud, par le carcan et par telles autres peines semblables, selon la coutume, mƓurs ou usages du pays, lesquels la loy ordonne pour la crainte des malfaiteurs. Les basses Ɠuvres, comme son nom l’indique, consistaient Ă  s’occuper de travaux beaucoup plus terre Ă  terre, comme le nettoyage des rues, la vidange des eaux usĂ©es, la mise des chiens en fourriĂšre, etc., ce qui permettait au bourreau d’arrondir ses fins de mois quand les condamnĂ©s au supplice se faisaient rares. Il y avait Ă  cette Ă©poque deux signes visibles de justice: le gibet, qui ne servait que pour les supplices capitaux, et le pilori, destinĂ© au chĂątiment de fautes assez lĂ©gĂšres.

Le gibet

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Le gibet, appelĂ© aussi fourches patibulaires, Ă©tait toujours installĂ© dans les champs, sur un monticule et en bordure d’une voie frĂ©quentĂ©e. On n’y accrochait que les dĂ©pouilles des suppliciĂ©s, prĂ©alablement mis Ă  mort. Ces pendus restaient accrochĂ©s au gibet jusqu’à la dĂ©sintĂ©gration du corps. Plus il y avait de gibets Ă  l’entrĂ©e d’une ville et plus le seigneur Ă©tait puissant. Un chĂątelain n’avait droit qu’à trois pendus, un duc Ă  huit. Le gibet de Paris, dit de Montfaucon, pouvait en comporter jusqu’à seize; on y pendait parfois les condamnĂ©s vivants. C’était le bourreau qui se chargeait du transport et de l’ensevelissement des cadavres.

A proximitĂ© des gibets, on cultivait parfois des jardins oĂč, Ă  Paris, quelques guinguettes s’étaient installĂ©es. François Villon en fut un assidu avec ses compaings, lesquels furent plus tard Ă©galement pendus.

Au XVe siĂšcle, on eut coutume d’enterrer vivantes Ă  proximitĂ© de l’endos du gibet, des femmes condamnĂ©es Ă  cette mort que l’on jugeait alors plus dĂ©cente pour elles que la pendaison.

Le pilori

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On dĂ©signait sous le nom de pilori, un poteau oĂč le bourreau exposait les personnes coupables de dĂ©lits commis sur le territoire du seigneur. Le pilori Ă©tait parfois situĂ© au haut d’une maison en pierre qui servait de logis au bourreau. Il n’en existait qu’un par ville et il Ă©tait toujours situĂ© dans un lieu apparent, carrefour ou place publique. A Paris il Ă©tait installĂ© aux Halles, Ă  peu prĂšs au dĂ©bouchĂ© actuel de la rue Pirouette dans la rue Rambuteau. Les condamnĂ©s au pilori Ă©taient sujets aux railleries du public, qui pouvait leur jeter de la boue et des ordures, mais non des pierres. Certains piloris, hautement perfectionnĂ©s, comme celui de Paris, pouvaient tourner sur eux-mĂȘmes ce qui faisait qu’aprĂšs deux heures d’exposition, les patients avaient fait un tour complet. On y exposait aussi des malheureux suppliciĂ©s, voire des tĂȘtes coupĂ©es.

Cette peine, encore en vigueur au milieu du XVIIe siÚcle, fut atténuée en 1666, par un décret de Louis XIV. Il faudra attendre 1832, pour que la peine du pilori soit remplacée par une simple exposition publique dans la cour du palais de Justice.

Les rifleurs, les bingres

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La situation du bourreau variait d’une province, d’un bailliage voire d’une chĂątellenie Ă  l’autre. Dans l’Est de la France, par exemple, le bourreau Ă©tait souvent un homme issu de la bourrellerie, de la tannerie, ou de l’équarrissage; on le surnommait le rifleur. Au Sud de la Loire les bourreaux Ă©taient souvent des occasionnels, surnommĂ©s les bingres par les bourreaux dynastiques. Parfois mĂȘme, pour exercer le terrible office, les magistrats faisaient appel Ă  d’anciens criminels qu’ils sortaient de prison pour leur Ă©viter la corde ou les galĂšres.

Au dĂ©but du XVIIe siĂšcle, la loi du Roi prĂ©valait de plus en plus sur celle du Seigneur, qui se dĂ©sintĂ©ressa alors de l’exercice d’un pouvoir qu’on lui contestait et qui ne lui rapportait plus guĂšre. Aussi, faute de moyens, les sentences Ă©taient souvent sans exĂ©cution, mĂȘme en effigie.

Les lettres de provision d’office

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Peu Ă  peu, les bourreaux se mirent au service du roi, qui leur dĂ©livra des lettres de provision, les rendant propriĂ©taires de leur office. Le bourreau devint ainsi Officier du roy, s’accaparant les offices des bourreaux occasionnels, et retransmit bientĂŽt la charge Ă  ses propres enfants, se faisant ainsi l’inĂ©vitable fondateur d’une incroyable dynastie. Quand l’enfant Ă©tait encore mineur, les lettres de provision le pourvoyaient en survivance, pour qu’en cas de dĂ©cĂšs du pĂšre, l’office leur revint de droit dans leur vingtiĂšme annĂ©e. Comme pour les rois, un rĂ©gent assurait l’intĂ©rim dans cet intervalle de temps. Reclus dans leur microcosme, les bourreaux n’en obtenaient pas moins, sans aucune difficultĂ©, toutes les dispenses nĂ©cessaires pour Ă©pouser leur cousine germaine, parfois mĂȘme leur niĂšce.

Les questionnaires et autres tourmenteurs

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Ce n’est qu’en 1674 que Louis XIV dissout dĂ©finitivement les hautes seigneuries françaises et fit, enfin, rĂ©gner sa propre loi. Cette fois-ci, et jusqu’au milieu du XVIIIe siĂšcle, les exĂ©cutions furent hiĂ©rarchisĂ©es en fonction de l’extraction du condamnĂ©; le noble Ă©tait dĂ©capitĂ©, le voleur de grand chemin rouĂ© en place publique. Le rĂ©gicide et le criminel d’État Ă©taient Ă©cartelĂ©s, le faux monnayeur Ă©tait bouilli vif dans un chaudron, l’hĂ©rĂ©tique brĂ»lĂ©, le domestique, voleur de ses maĂźtres Ă©tait, quant Ă  lui, pendu, etc. Le questionnaire, bourreau spĂ©cialisĂ© dans l’art d’appliquer les tortures, officiait dans l’obscuritĂ© des prisons et arrachait les plus fantaisistes aveux aux prisonniers dĂ©jĂ  jugĂ©s ou condamnĂ©s Ă  mort. La question Ă©tait rĂ©servĂ©e pour les prĂ©venus accusĂ©s d’un crime ayant entraĂźnĂ© la mort, ou qui avaient tout simplement fabriquĂ© de la fausse monnaie. Cette torture comportait deux degrĂ©s dans son exĂ©cution: la question prĂ©paratoire, qui s’appliquait Ă  l’accusĂ© qui n’avouait pas, afin de le forcer Ă  avouer. Elle fut abolie par Louis XVI en 1780. La question prĂ©alable, quant Ă  elle Ă©tait appliquĂ©e au condamnĂ© Ă  mort soupçonnĂ© d’avoir eu des complices, pour le contraindre Ă  avouer leurs noms. La torture la plus cĂ©lĂšbre s’appelait le supplice des brodequins. Il Ă©tait trĂšs simple dans son principe. Le malheureux Ă©tait solidement animĂ© Ă  son siĂšge et fermement tenu par un assesseur, pour Ă©viter les ruades furieuses que pourraient provoquer la douleur. Des carcans de bois entouraient le bas de ses jambes: ils servaient de guides aux coins de bois que l’assesseur allait lui enfoncer dans les genoux Ă  grands coups de maillets, jusqu’à lui broyer les os. Et accessoirement, Ă©vitaient que ces pieds ne se disloquassent pas sous les coups de boutoir. Les prĂȘtres, les femmes enceintes, les nobles, les enfants et les magistrats en Ă©taient en principe exempts. Si l’accusĂ© subissait la torture sans rien avouer, il Ă©tait dĂ©clarĂ© innocent et mis en libertĂ©; on devait alors lui faire connaĂźtre son dĂ©nonciateur pour qu’il pĂ»t demander rĂ©paration.

A cette Ă©poque, on exĂ©cutait mĂȘme les animaux, et on expĂ©diait Ă  la mort, pour un simple larcin, non seulement des femmes, mais aussi des enfants.

Le droit de havage

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Le bourreau professionnel, suscitait partout une horreur quasi sacrĂ©e. Il vivait Ă  l’écart, portait des vĂȘtements spĂ©ciaux et les honnĂȘtes gens fuyaient tous son contact. On refusait ses enfants dans les Ă©coles, on rechignait Ă  lui vendre des marchandises. En ville, le pain posĂ© Ă  l’envers sur l’étal du boulanger Ă©tait rĂ©servĂ© au bourreau; personne d’autre n’y touchait. On humiliait le bourreau de toutes les maniĂšres. Celui-ci, comme Ă©moluments, percevait alors une foule de droits en nature sur les marchands des halles; c’est ce que l’on appelait droit de havage, et qui consistait, pour lui, Ă  pouvoir prendre une certaine quantitĂ© de lĂ©gumes, de viande ou de poissons dans les paniers sur lesquels il Ă©tendait la main. La seule apparition du bourreau sur les foires et dans les marchĂ©s paralysait les marchands. Ils tremblaient de peur quand celui-ci, pour se reconnaĂźtre dans la perception de son droit, dĂ©signait ceux qui le lui avaient payĂ© en leur imprimant avec de la craie jaune, une croix sur l’estomac ou l’épaule. Les injures, les rixes, voire les procĂšs Ă©taient courants entre le bourreau et les forains. Il avait, en outre, des droits fixes sur certaines autres denrĂ©es entrant Ă  Paris, sur les dĂ©pouilles des condamnĂ©s Ă  mort, et recevait une somme fixe par exĂ©cution. Entre autres profits, il avait la vente de la fameuse graisse de pendu, un remĂšde souverain pour toutes sortes de maux, disait-on; et encore de la corde ayant servi Ă  la pendaison, spĂ©cifique infaillible pour gagner un gros lot Ă  la loterie. Il Ă©tait aussi rebouteux et remettait en place les membres dĂ©mis ou cassĂ©s, lui qui les brisait si bien aux malheureux attachĂ©s Ă  la roue.

Le droit de havage fut aboli le 6 juin 1775, au grand soulagement des villageois et des paysans. Il fut remplacĂ©, pour le bourreau de Paris et ses aides, par un traitement fixe de 16000 livres par an; on lui remboursait, en outre, le prix des fournitures qu’occasionnaient les exĂ©cutions, tant Ă  Paris que dans l’étendue de la gĂ©nĂ©ralitĂ© et la juridiction du parlement.

La guillotine

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La loi du 6 octobre 1791 supprima la torture prĂ©alable et uniformisa les peines: tout condamnĂ© Ă  mort aura la tĂȘte tranchĂ©e. La guillotine fit sa premiĂšre apparition place de GrĂšve Ă  Paris le 23 avril 1792, dĂ©capitant un voleur nommĂ© Nicolas Pelletier.

En 1793, la Convention nationale rĂ©forma complĂštement la lĂ©gislation criminelle en ce qui concernait les exĂ©cuteurs. Par un dĂ©cret du 13 juin 1793, elle dĂ©cida qu’il y en aurait un dans chaque dĂ©partement de la RĂ©publique, et mit son traitement Ă  la charge de l’État. AprĂšs la Terreur, la Convention supprima la peine capitale Ă  dater du jour de la publication de la paix gĂ©nĂ©rale (loi du 4 brumaire an IV). Aux exĂ©cutions capitales se substituĂšrent les expositions publiques et les marques au fer rouge. Tout forçat recevait, avant de partir pour le bagne, les lettres infamantes sur l’épaule: TF, pour les voleurs ou les faussaires condamnĂ©s Ă  temps et TFP pour les agresseurs ou les assassins condamnĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ©, chacune des inscriptions Ă©tant prĂ©cĂ©dĂ©e du numĂ©ro dĂ©partemental. La Seine ayant l’indicatif 87, un Parisien condamnĂ© Ă  temps portait toute sa vie la marque indĂ©lĂ©bile: 87 TF. Le Consulat prorogea temporairement ces mesures par sa loi du 4 nivĂŽse an X.

Sous l’Empire et sous la Restauration, Louis Philippe rĂ©duisit le nombre des bourreaux et de leurs aides, mais il oublia l’abolition. Le Code pĂ©nal, rĂ©cemment promulguĂ©, stipula mĂȘme que le parricide aura la main coupĂ©e avant d’ĂȘtre dĂ©capitĂ©. Sous le second Empire, il n’y eut plus qu’un bourreau par Cour d’appel, et le traitement varia suivant l’importance des villes. Enfin, un dĂ©cret de novembre 1870 rĂ©duisit leur nombre Ă  trois: un pour la France continentale, un pour la Corse, un pour l’AlgĂ©rie.

Les derniers bourreaux

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Le premier projet de loi abolissant la peine de mort fut discutĂ© Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s en 1908. Aristide Bruand, alors Ministre de la justice, Ă©tait partisan de l’abolition, ainsi que Jean JaurĂšs. Mais Maurice BarrĂšs Ă©tant pour le maintien, la peine de mort, et son exĂ©cuteur furent maintenus. A partir du 24 juin 1939, le public n’eut plus le droit d’assister aux exĂ©cutions, puis la presse se vit interdire tout commentaire relatif aux exĂ©cutions et dut s’en tenir aux procĂšs-verbaux (1951). La loi d’abolition de la peine de mort fut votĂ©e le 9 octobre 1981, et le dernier bourreau fut discrĂštement mis Ă  la retraite.

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Le glossaire des bourreaux

ABDECKER : Équarrisseur, Ă©boueur.

AIDE-BOURREAU : Comme son nom l’indique, c’était l’aide du bourreau. Selon son Ăąge, ses compĂ©tences, ou son anciennetĂ©, cet individu Ă©tait gratifiĂ© d’un grade qui le rapprochait de la fonction suprĂȘme: ExĂ©cuteur en chef. MAÎTRE DES BASSES ƒUVRES, selon les rĂ©gions (Est de la France), adjoint de premiĂšre, deuxiĂšme, voire troisiĂšme classe, selon les Ă©poques, l’aide bourreau succĂ©dait littĂ©rairement au VALET DE BOURREAU, chargĂ©, sous l’Ancien RĂ©gime, de rĂ©colter le produit du HAVAGE sur les marchĂ©s; d’oĂč sa fameuse rĂ©putation d’insolence Ă  l’égard des marchands. Il Ă©tait gĂ©nĂ©ralement le cadet de la famille dont l’aĂźnĂ© avait succĂ©dĂ© au pĂšre, ou bien le fils de l’exĂ©cuteur voisin. Parfois, dans le milieu du XIXe siĂšcle, c’était tout simplement le charpentier de la ville, futur gendre du maĂźtre. A partir de 1832, l’aide bourreau disparut de la profession et fut remplacĂ© par les anciens bourreaux mis au chĂŽmage par les prĂ©cĂ©dents dĂ©crets. DĂšs 1849, ce furent les bourreaux des Cours d’assises qui devinrent les adjoints des exĂ©cuteurs des Cours d’appel. A partir de 1871, seul subsistait le bourreau de France qui disposait de trois Ă  cinq adjoints, dont un spĂ©cialiste surnommĂ© le PHOTOGRAPHE.

AMENDE HONORABLE : Confession. Chaque condamnĂ© Ă  mort avant son exĂ©cution Ă©tait tenu de faire amende honorable au-devant de la porte de la principale Ă©glise de la ville oĂč il Ă©tait conduit dans un tombereau par l’EXÉCUTEUR DE LA HAUTE JUSTICE, nuds pieds, nue tĂȘte et en chemise, ayant la corde au col, tenant en main une torche de cire ardente du poids de deux livres, ayant Ă©criteau au devant et derriĂšre portant l’inscription de son crime. LĂ , Ă  genoux, il dĂ©clarait, Ă  haute et intelligible voix que mĂ©chamment, tĂ©mĂ©rairement et mal avisĂ©, il se repentait du crime qu’il avait de dessein prĂ©mĂ©ditĂ©. Il demandait pardon Ă  Dieu, au Roy et Ă  la Justice et, ce fait, il subissait sa peine: BANNISSEMENT, ou LANGUE COUPÉE, ou POING COUPÉ suivit du chĂątiment suprĂȘme.

BALZMEISTER : Bourreau suisse (fin du XVIe siĂšcle Ă  Rheinfelden).

BANNISSEMENT : Lorsque le bourreau avait Ă  faire Ă  un condamnĂ© au bannissement du royaume ou de la province, le FOUET Ă  la main, aprĂšs avoir fait AMENDE HONORABLE, il conduisait le banni Ă  la porte de la ville et, en signe d’expulsion, lui appliquait un vigoureux coup de pied dans les fesses.

BASSES ƒUVRES : Toutes exĂ©cutions sans mise Ă  mort, pratiquĂ©es Ă  hauteur du sol, par opposition aux HAUTES ƒUVRES qui conduisaient Ă  la mise Ă  mort et qui s’exĂ©cutaient sur un ÉCHAFAUD. Par extension les basses Ɠuvres incluaient Ă©galement tout travail de voirie et, parfois, la chasse aux chiens errants.

BÉCANE (LA) : Surnom donnĂ© Ă  la GUILLOTINE au XXe siĂšcle.

BOURREAU : mot trĂšs familier pour dĂ©signer l’homme chargĂ© de mettre Ă  exĂ©cution les peines corporelles prononcĂ©es par une cour criminelle, notamment la peine de mort.

BOURRELLE : Femme du bourreau.

BÛCHER : Peine de mort par le feu, aussi ancienne que l’humanitĂ© (Jeanne d’Arc, les Templiers). Lorsqu’un criminel avait Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  ĂȘtre ars, c’est-Ă -dire brĂ»lĂ©, on plantait en terre, ou sur un amoncellement de bois, un grand poteau autour duquel on prĂ©parait le bĂ»cher composĂ© de couches superposĂ©es de bĂ»ches et de paille, s’élevant Ă  peu prĂšs Ă  hauteur d’homme. Le bourreau et ses aides avaient soin de mĂ©nager prĂšs du poteau un espace libre suffisant Ă  contenir le condamnĂ© debout. Le criminel, aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ© de ses vĂȘtements, Ă©tait revĂȘtu d’une chemise soufrĂ©e. Puis on le faisait pĂ©nĂ©trer au centre du bĂ»cher par l’étroite ouverture prĂ©vue Ă  cet effet, et on le liait solidement au poteau avec des cordes et des chaĂźnes. Alors on remplissait les intervalles encore libres, aprĂšs l’introduction du condamnĂ©, avec des fagots et de la paille jusqu’à ce qu’il en soit recouvert Ensuite on mettait le feu de tous cĂŽtĂ©s Ă  la fois, et les flammes dĂ©voraient lentement le malheureux suppliciĂ©.

BRODEQUINS : voir QUESTION.

BUTTEL : Bourreau suisse ou alsacien, mais aussi agent de la communauté, appariteur de justice, percepteur de redevances (ce dernier est aussi le Seckel ou Seckelmeister).

CARCAN : Collier large de trois doigts, s’ouvrant par une charniĂšre. Le carcan Ă©tait attachĂ© par une chaĂźne Ă  un poteau plantĂ© sur une des places de la ville. Le condamnĂ©, Ă  pied, les mains liĂ©es devant et attachĂ©es Ă  la charrette de l’exĂ©cuteur Ă©tait conduit Ă  ce poteau. Le bourreau y faisait entrer le cou du patient et le refermait avec un cadenas. Au-dessus de la tĂȘte du condamnĂ© ou sur sa poitrine on plaçait un Ă©criteau portant son nom et la cause de sa condamnation: voleur, banqueroutier, usurier, etc. Il restait en cet Ă©tat le temps fixĂ© par l’arrĂȘt. Comme le BANNISSEMENT s’ensuivait d’ordinaire, on mettait Ă  cĂŽtĂ© de lui son chapeau renversĂ© sur une chaise de paille. C’est lĂ  que les Ăąmes charitables dĂ©posaient leurs aumĂŽnes pour aider le malheureux Ă  faire son voyage.

CARNIFEX : (latin) Bourreau.

CARNIFICIS : (latin) Bourreau.

CHARGE : voir LETTRE DE PROVISION D’OFFICE.

CRAVATE-À-CAPET (LA) : Surnom donnĂ© Ă  la guillotine sous la RĂ©volution.

DÉCAPITATION : Peine de mort pour les gens de la haute sociĂ©tĂ© sous l’Ancien RĂ©gime. Son principe rĂ©sidait dans l’action de couper le cou, c’est-Ă -dire de sĂ©parer la tĂȘte du tronc. Il existait deux modes de dĂ©capitation: le GLAIVE ou la HACHE.

DÉCOLLATION : C’est l’action de trancher le cou. Sil ne devrait s’employer que comme un terme chirurgical, le mot est cependant couramment utilisĂ© pour dĂ©crire les supplices des saints dont les tĂȘtes furent tranchĂ©e.

DIELE : Tranche-tĂȘte (ancĂȘtre de la guillotine) en usage en Allemagne au XVe SiĂšcle. Le bourreau frappait avec une lourde masse sur la lame qui sectionnait le cou.

ÉCARTÈLEMENT : Supplice qui consistait Ă  dĂ©membrer un condamnĂ©, liĂ© sur une roue, Ă  l’aide de quatre chevaux qui tiraient sur chacun des membres. Tout l’art et la difficultĂ© de l’écartĂšlement tenaient dans le travail des chevaux qui devaient tirer d’une force Ă©gale. Pour cela, chaque bĂȘte Ă©tait tenue au mors par un aide exĂ©cuteur. Les quatre aides, en mĂȘme temps, surveillaient continuellement que les traits fussent Ă©galement tendus et que les bĂȘtes donnassent du poitrail bien ensemble, sans secousse, afin que les tensions fussent rĂ©parties d’égale façon sur chacun des membres distendus. Le constant et principal souci de l’exĂ©cuteur en chef Ă©tait que, par manque de cohĂ©sion, un membre se disloquĂąt et s’arrachĂąt trop vite, Ă  cause d’un cheval parti trop tĂŽt ou Ă  contretemps. Le bourreau Ă©tait tenu d’acheter lui-mĂȘme les bĂȘtes nĂ©cessaires Ă  l’exĂ©cution, afin qu’il puisse les choisir en fonction des aptitudes physiques du condamnĂ© (Ravaillac, Damiens). Il s’agissait lĂ  d’un des supplices les plus atroces que la cruautĂ© humaine ait inventĂ©.

ÉCHAFAUD : Plate-forme dressĂ©e sur la place publique pour l’exĂ©cution des condamnĂ©s Ă  mort.

ÉPÉE À FEUILLE : voir GLAIVE.

ÉPÉE DE JUSTICE : voir GLAIVE.

ESTRAPADE : Supplice qui consistait Ă  tirer un condamnĂ© en haut d’un mĂąt ou d’une potence Ă  l’aide d’une corde qui lui saisissait les poignets prĂ©alablement liĂ©s derriĂšre le dos. Une fois hissĂ©, on le laissait retomber au bout de la corde. Celle-ci, sous le choc provoquĂ© par l’arrĂȘt de la chute, disloquait les bras.

EXÉCUTEUR DE LA HAUTE JUSTICE : Bourreau.

EXÉCUTEUR DES ARRÊTS CRIMINELS : Bourreau.

EXÉCUTEUR DES SENTENCES CRIMINELLES : Bourreau.

EXÉCUTION EN EFFIGIE : Ce n’était pas seulement sur les personnes que les bourreaux avaient Ă  exercer leur OFFICE; par dĂ©faut, ils pendaient ou brĂ»laient des mannequins qui Ă©taient censĂ©s reprĂ©senter les condamnĂ©s dont on n’avait pu se saisir. Les coupables Ă©taient condamnĂ©s Ă  l’AMENDE HONORABLE et Ă©taient portĂ©s dans un tombereau servant Ă  enlever les immondices. Parfois les mannequins avaient le POING COUPÉ sur un Ă©tal Ă  ce destinĂ© et ensuite attachĂ©s Ă  un poteau avec une chaĂźne de fer, brĂ»lĂ©s vifs et leurs corps rĂ©duits en cendres et jetĂ©s au vent. Parfois encore on les pendait Ă  une POTENCE pour servir d’exemple et inspirer de la terreur aux mĂ©chants.

EXÉCUTION CAPITALE : voir PEINES CAPITALES.

EXECUTIONER : (anglais) Bourreau.

EXECUTOR JUSTICEA CRIMINALIS : (latin) Bourreau.

EXPOSITION : voir FLÉTRISSURE.

FLÉTRISSURE : Marque au fer rouge. Quand il s’agissait de condamnĂ©s Ă  flĂ©trir, le bourreau dĂ©posait sur un petit Ă©chafaud un rĂ©chaud plein de charbons allumĂ©s et un soufflet. Dans un rĂ©chaud rougissaient des fers marquĂ©s d’une fleur de lys ou bien portant l’empreinte des lettres suivantes:

  • T comme travaux forcĂ©s (ou GALÈRES);
  • P comme perpĂ©tuitĂ©;
  • F comme faussaire;
  • V comme voleur

Ce qui pouvait donner les combinaisons :

  • TF pour les faussaires condamnĂ©s aux travaux forcĂ©s (ou GALÈRES);
  • TP pour les travaux forcĂ©s (ou GALÈRES) Ă  perpĂ©tuitĂ©;
  • TPF pour les faussaires condamnĂ©s aux travaux forcĂ©s (ou GALÈRES) Ă  perpĂ©tuitĂ©;

Le condamnĂ© Ă©tait attachĂ© Ă  un poteau sur lequel Ă©tait fixĂ© un Ă©criteau indiquant le mĂ©fait et la peine prononcĂ©e. L’EXPOSITION durait une heure. Un quart d’heure avant la fin, le bourreau dĂ©pouillait le patient jusqu’à la ceinture et lui appliquait les marques sur l’épaule droite et quelquefois sur les deux Ă©paules.

ImmĂ©diatement aprĂšs l’application de la MARQUE, on recouvrait la brĂ»lure d’une pommade faite de saindoux et de poudre Ă  fusil pulvĂ©risĂ©e.

FOUET : Pour le supplice du fouet le condamnĂ© marchait nu jusqu’à la ceinture, derriĂšre la charrette du bourreau Ă  laquelle il Ă©tait attachĂ©. Le bourreau suivait portant une poignĂ©e de verges de bouleau. A chaque place publique indiquĂ©e, il appliquait au condamnĂ© le nombre de coups fixĂ© par l’arrĂȘt.

FOURCHES PATIBULAIRES : Ensemble de GIBETS. Le nombre de leurs piliers variait suivant la qualitĂ© des seigneurs : le roi pouvait en avoir autant qu’il voulait, les ducs en avaient huit, les comtes six, les barons quatre, les chĂątelains trois et les simples gentilshommes hauts justiciers deux. On y suspendait les criminels qu’on y laissait pourrir et dĂ©vorer par les oiseaux de proie. Le plus fameux Ă©tait celui de la prĂ©vĂŽtĂ© de Paris, situĂ© Ă  Montfaucon, aux portes de la ville. On y pouvait suspendre soixante criminels; au-dessous, une cave servait de charnier et recevait les restes des suppliciĂ©s. Quelques hommes illustres furent pendus Ă  Montfaucon, tels que Enguerrand de Marigny et Semblançay. Il existait d’autres fourches patibulaires dans diffĂ©rents endroits de Paris et aussi Ă  Saint-Germain-en-Laye. MalgrĂ© l’aspect hideux de ces Ă©difices et l’odeur empestĂ©e qu’exhalaient les cadavres, le voisinage de ces lieux d’exĂ©cution Ă©tait garni de cabarets, oĂč l’on se livrait aux rĂ©jouissances et aux plaisirs.

FUSTIGATION : voir FOUET.

GALÈRES (LES) : Peine de ceux qui Ă©taient condamnĂ©s Ă  ramer sur ces navires. On manquait toujours de condamnĂ©s pour les galĂšres qui rĂ©clamaient un personnel important et souvent renouvelĂ©. Des Ă©dits ou instructions royales enjoignaient pĂ©riodiquement aux juges et aux parlements de condamner le plus de monde possible Ă  cette peine, entre autres l’édit de Charles IX en 1654, les lettres patentes d’Henri IV en 1606 et les instructions de Louis XIV en 1662.

GIBET : POTENCE situĂ©e Ă  l’entrĂ©e des villes et des villages ou Ă©taient suspendus les cadavres des exĂ©cutĂ©s.

GLAIVE : Le glaive de justice Ă©tait gĂ©nĂ©ralement une arme lourde, Ă  lame longue et large, pointue Ă  son extrĂ©mitĂ©. Cette Ă©pĂ©e d’exĂ©cution, dite ÉPÉE À FEUILLE, se tenait Ă  deux mains. Aussi fallait-il des hommes forts pour manier cet instrument que l’on frappait puissamment L’exĂ©cuteur faisait tourner l’arme trois fois dans l’espace au-dessus de sa tĂȘte pour lui donner la force de trancher, puis la laissait tomber de tout son poids sur l’arriĂšre de la tĂȘte du condamnĂ©. La chose n’était pas aisĂ©e. Le cou, Ă  cause de la colonne vertĂ©brale, est plus rĂ©sistant qu’on ne le pense. Plusieurs comptes-rendus d’exĂ©cution font Ă©tat d’épĂ©es de justice Ă©brĂ©chĂ©es pendant des dĂ©collations. Il existait plusieurs processus de dĂ©capitation par le glaive; soit le condamnĂ© appuyait sa tĂȘte sur un billot de bois, les mains liĂ©es, en principe, derriĂšre son dos; soit le condamnĂ© Ă©tait Ă  genoux, droit ou assis sur ses talons, la tĂȘte dans l’axe du corps, le menton ramenĂ© sur la poitrine de façon Ă  prĂ©senter toute sa nuque Ă  l’exĂ©cuteur, et il avait souvent les mains liĂ©es devant lui ou bien encore le condamnĂ© Ă©tait exĂ©cutĂ© debout. C’était la forme de dĂ©capitation la plus rare et la plus difficile. Elle Ă©tait pleine de risques, non seulement pour le bourreau qui pouvait moins bien assurer et appuyer son coup, mais Ă©galement pour le condamnĂ© qui risquait fort de se faire frapper au crĂąne ou Ă  l’épaule. La dĂ©capitation debout Ă©tait rĂ©servĂ©e aux personnages importants, de l’entourage du roi (chevalier de La Barre).

GRAISSE DE PENDU : Soi-disant graisse humaine que le bourreau vendait pour soigner quelques maladies.

GUÉRISSEUR : Botaniste et chirurgien tout Ă  la fois, le bourreau connaissait la vertu des simples et savait guĂ©rir les entorses, les luxations et les fractures. Puisqu’il s’entendait si bien Ă  casser les membres, pourquoi ne s’entendrait-il pas Ă  les remettre? Il Ă©tait le REBOUTEUX par excellence. La superstition qui s’attachait aux pendus rĂ©jouissait naturellement les bourreaux Ă  qui l’on accordait aussi des pouvoirs de guĂ©rison quasi miraculeux, hĂ©rĂ©ditaires comme leur charge. Mais, surtout, on leur prĂȘtait le don de savoir concocter des crĂšmes et des onguents aux pouvoirs extraordinaires, Ă  base d’os ou de GRAISSE DE PENDU, qu’ils vendaient Ă  prix d’or.

GUILLOTINE : Instrument de supplice destinĂ© Ă  trancher la tĂȘte des condamnĂ©s Ă  mort au moyen d’un couperet glissant le long de deux montants verticaux.

GUILLOTINAGE : DÉCAPITATION au moyen de la GUILLOTINE.

GUILLOTINEUR : Bourreau.

HACHE : Pour la DÉCAPITATION Ă  la hache, il n’existait qu’une seule mĂ©thode: le condamnĂ© devait poser son cou sur le billot, et la lourde lame venait le frapper en force.

HALBMEISTER : Équarrisseur, Ă©boueur.

HAUTES ƒUVRES : ExĂ©cutions Ă  mort sur un ÉCHAFAUD, par opposition aux BASSES ƒUVRES qui s’exĂ©cutaient Ă  hauteur du sol.

HAVAGE : Le droit de havage du bourreau Ă©tait la majeure partie de son salaire, hormis ses primes d’exĂ©cution. A l’origine, on accordait au bourreau le droit de plonger sa main dans les sacs de grains pour prĂ©lever sa havĂ©e, mais les marchands prĂ©tendaient que la marchandise Ă©tait ensuite invendable parce que souillĂ©e par une telle main. L’usage s’établit de prĂ©lever avec une cuillĂšre, qui devint elle aussi matiĂšre Ă  contestation, les marchands la trouvant toujours trop grande. Ces perceptions Ă©tant double les jours d’exĂ©cution, s’ensuivaient des disputes homĂ©riques qui tournaient parfois au pugilat.

LETTRE DE PROVISION D’OFFICE : Document par lequel l’autoritĂ© (Seigneur, Bailli, ÉvĂȘque, Roi) instituait le bourreau dans sa fonction d’exĂ©cuteur. Il devenait ainsi officier du bailliage, ou de l’évĂȘchĂ© comme le stipule la lettre de provision d’office ci-dessous:

Claude de Saint-Simon, par la grĂące de Dieu et du Saint-SiĂšge apostolique, Ă©vĂȘque de Metz, comte et pair de France, province du Saint-Empire. A tous ceux qui ces prĂ©sentes verront salut. L’office d’ExĂ©cuteur des sentences criminelles et MaĂźtre des hautes Ɠuvres de notre ville de Vic et ressort du bailliage d’icelle estant vacant par le dĂ©cĂšs de Claude Parisot, dernier paisible possesseur d’iceluy, et dĂ©sirant le faire remplir par une personne Ă  ce idoine et capable. Nous, sur le tĂ©moignage qui nous a Ă©tĂ© rendu : de celle de Jean Parisot, fils dudit Claude Parisot Ă  iceluy pour ces causes avons donnĂ© et octroyĂ©, donnons et octroyons ledit office d’ExĂ©cuteur des sentences criminelles et de MaĂźtre des hautes Ɠuvres du bailliage de notre ÉvĂȘchĂ© sĂ©ant Ă  Vie pour ledit office avoir tenir en jouir et d’iceluy faire l’exercice et les fonctions aux droits fruits, profits et Ă©moluments y appartenant tels et semblables qu’en a jouy ou deus jouĂŻr Ledit Claude Parisot pĂšre, et pour le temps qu’il nous plaira seulement. Mandons au lieutenant criminel et gens tenans notre dit bailliage que leur Ă©tant apparu de bonne vie et mƓurs, religion catholique apostolique et romaine dudit Jean Parisot, et de luy pris et reçu le serment en tel cas requis et accoutumĂ© ils le mettent et instituent ou fassent mettent et instituer de par nous en possession et jouissance du dit office, l’y fassent connaĂźtre par tous nos vassaux sans souffrir luy ĂȘtre fait aucun trouble n’y empĂȘchement au contraire car ainsi l’avons ordonnĂ© en tesmoins de quoi avons les prĂ©sentes signĂ© de notre main fait contresigner par l’un de nos secrĂ©taires et Ă  icelles fait mettre et apposer notre scel de nos armes. DonnĂ© Ă  Metz en notre palais Ă©piscopal le vingt-quatre dĂ©cembre mil sept cent trente-quatre. SignĂ©: Cl. De Saint-Simon, Ev. De Metz

LICTORIS : (latin) Bourreau.

LOUISETTE : Surnom de la GUILLOTINE sous la Révolution (dérivé de Louis, le prénom de Guillotin).

LOUISON : Surnom de la GUILLOTINE sous la Révolution (dérivé de Louis, le prénom de Guillotin).

LUCARNE (LA) : Surnom donné à la GUILLOTINE au XIXe siÚcle.

MAIN DE GLOIRE : La main de gloire est une sorte de chandelle faite avec de l’huile de sĂ©same, de la cire vierge et de la GRAISSE DE PENDU. Elle a pour chandelier une main de pendu sĂ©chĂ©e au soleil dans un suaire avec du sel, du vitriol vert, du salpĂȘtre et du poivre. Ce prĂ©cieux flambeau Ă©tait particuliĂšrement utile aux voleurs car, Ă  sa lumiĂšre, les gens tombaient dans un magique sommeil et l’on pouvait pĂ©nĂ©trer sans crainte dans la maison la mieux gardĂ©e.

MAÎTRE DE LA HAUTE JUSTICE : Bourreau.

MAÎTRE DES BASSES ƒUVRES : AIDE BOURREAU chargĂ© des tĂąches subalternes ou de la voirie.

MAÎTRE DES HAUTES ƒUVRES : Bourreau.

MANDRAGORE : Dans l’imagination populaire, la mandragore est une plante qui naissait spontanĂ©ment Ă  minuit, sous le GIBET des suppliciĂ©s nouvellement pendus. Elle avait la propriĂ©tĂ© d’enrichir son heureux possesseur et de mettre Ă  l’abri de tout malĂ©fice; mais on Ă©tait frappĂ© de mort subite dĂšs qu’on la touchait pour la cueillir! Aussi, pour l’arracher du sol avait-on recours Ă  un chien qui Ă©tait attachĂ© Ă  la plante au moyen d’une corde.

MARQUE : voir FLÉTRISSURE.

MASSICOT (LE) : Surnom donné à la GUILLOTINE au XXe siÚcle.

MEIGE : GUÉRISSEUR suisse au XVIIIe siùcle.

MEISTER : Maßtre suivi du prénom, pouvait désigner le bourreau avant le XVIIIe siÚcle.

MINISTER JUSTICEA CRIMINALIS : (latin) Bourreau.

MIRABELLE : Surnom de la GUILLOTINE sous la Révolution (dérivé de Mirabeau).

MONTE-À-REGRET (LA) : Surnom donnĂ© Ă  la GUILLOTINE sous la RĂ©volution.

NACHRICHTER : Bourreau. Littéralement: aprÚs-juge ou dernier-juge.

OFFICE : voir LETTRE DE PROVISION D’OFFICE.

PARRICIDE : voir POING COUPÉ.

PEINES CAPITALES : Les peines capitales ou supplices capitaux, ramenĂ©s au nombre de cinq, Ă©taient, par ordre croissant d’importance :

  • La DÉCAPITATION, privilĂšge de la noblesse.
  • La PENDAISON, prĂ©vue pour cette sĂ©rie de crimes : homicide, recel de grossesse, faux-monnayage, rapt, stupre, banqueroute frauduleuse, faux, pĂ©culat, larcins et vols domestiques, plagiat, tenue d’assemblĂ©es illicites, port d’armes interdites, appel Ă  la sĂ©dition et Ă  l’émeute populaire.
  • La ROUE, pour le chĂątiment de l’assassinat, du meurtre des maĂźtres par leurs domestiques, du vol sur les grands chemins, du parricide et du viol.
  • Le BÛCHER, ou feu vif, rĂ©servĂ© aux crimes de magie, d’hĂ©rĂ©sie, de sortilĂšge et de blasphĂšme ; Ă  la sodomie, Ă  l’inceste et Ă  la bestialitĂ© ; Ă  l’incendie volontaire et Ă  l’empoisonnement.
  • L’ÉCARTÈLEMENT, appliquĂ© aux rĂ©gicides et aux coupables de lĂšse-majestĂ©.

Toutes ces peines succĂ©daient obligatoirement Ă  l’AMENDE HONORABLE du condamnĂ©.

PEINES INFAMANTES : Les peines, dites infamantes, comprenaient, Ă  la veille de la RĂ©volution :

Toutes ces peines succĂ©daient gĂ©nĂ©ralement Ă  l’AMENDE HONORABLE du condamnĂ©.

PENDAISON : Mise Ă  mort d’un condamnĂ© par un systĂšme de nƓud coulant passĂ© autour de son cou et que l’on attachait Ă  une potence ou Ă  un arbre. C’était le chĂątiment des roturiers, par opposition aux nobles que l’on dĂ©capitait Il n’était pas rare de voir le bourreau, afin de bĂąter la strangulation, peser de tout son poids sur le corps du condamnĂ©. Tout au long des XVIIe et XVIIe siĂšcles, jusqu’à la RĂ©volution, le bourreau de Paris plaçait le nƓud coulant sous la mĂąchoire et l’os occipital du condamnĂ©, ce qui faisait une contre-extension qui lui brisait le cou dans la plupart des cas. Aujourd’hui, dans la mĂ©thode anglaise, la corde est placĂ©e sur le cĂŽtĂ© gauche de la mĂąchoire infĂ©rieure. Cette mĂ©thode a pour avantage de briser plus certainement la colonne vertĂ©brale.

PERCEMENT DE LA LANGUE : La langue percĂ©e Ă  chaud ou Ă  froid Ă©tait la peine des blasphĂ©mateurs, des athĂ©es, des impies, des dĂ©tracteurs de la foi catholique et des libertins, sans prĂ©judice des GALÈRES (Édit de 1681).

PHOTOGRAPHE : L’un des AIDES BOURREAUX avait une fonction particuliĂšrement importante et souffrait d’un injuste oubli. Il Ă©tait dĂ©signĂ© dans l’argot de la pĂšgre du surnom de photographe. GrĂące Ă  lui, les exĂ©cutions, souvent, ne dĂ©gĂ©nĂ©raient pas au carnage. Il Ă©tait chargĂ© de vĂ©rifier que le condamnĂ© se tienne droit, la nuque bien offerte au couperet, et ne rentrait pas la tĂȘte dans les Ă©paules. Il se tenait donc devant la guillotine et, si besoin Ă©tait, tirait le condamnĂ© par les cheveux, ou les oreilles s’il Ă©tait chauve, pour un ajustement de derniĂšre seconde. Trouver le bon angle ou plutĂŽt la bonne pose lui valut son surnom.

PILORI : Le pilori, comme le CARCAN, consistait presque toujours en un simple poteau auquel tenait un collier de fer qu’on passait au cou du condamnĂ©. C’était la peine ordinaire des banqueroutiers frauduleux.

POING COUPÉ : Sur un billot, haut d’un pied, le condamnĂ©, Ă  genoux, posait Ă  plat son poignet que le bourreau faisait immĂ©diatement sauter d’un coup de hachette; le moignon Ă©tait aussitĂŽt liĂ© dans un sac rempli de son.

POTENCE : Instrument, servant au supplice de la PENDAISON.

QUESTION : Supplice officiel. Selon la gravitĂ© du cas et d’aprĂšs les termes de l’arrĂȘt, il y avait trois sortes de questions :

  • la question prĂ©alable ou prĂ©paratoire qui Ă©tait appliquĂ©e au condamnĂ© Ă  mort soupçonnĂ© d’avoir eu des complices, pour le contraindre Ă  avouer leurs noms. Elle fut abolie par Louis XVI en 1780.
  • la question ordinaire ou simple qui ne pouvait ĂȘtre appliquĂ©e que dans le cas oĂč il y avait une demi-preuve contre le prĂ©venu d’un crime puni de mort.
  • la question extraordinaire, beaucoup plus cruelle, s’employait contre les condamnĂ©s Ă  mort pour les forcer Ă  rĂ©vĂ©ler leurs complices. Il y avait la question Ă  eau ou par extension et la question par les BRODEQUINS, lesquelles exigeaient un savoir-faire spĂ©cial.Voici d’aprĂšs l’ordonnance de 1697 la description des moyens employĂ©s pour faciliter l’expression de la vĂ©ritĂ© :
    «La question sera donnĂ©e dans une chambre spĂ©ciale en prĂ©sence du rapporteur et de l’un des juges du procĂšs. Il y aura une SELLETTE pour faire asseoir l’accusĂ© pendant son interrogatoire, un bureau pour le greffier et un petit tableau pour l’Évangile sur lequel le patient jurera de dire la vĂ©ritĂ©. Deux chirurgiens et un mĂ©decin seront prĂ©alablement consultĂ©s et donneront leur avis sur l’état de l’accusĂ© afin de savoir si ses forces lui permettent de supporter la torture sans danger pour sa vie.»
  • Question Ă  eau ou par extension : On allume un grand feu dans la cheminĂ©e devant laquelle on Ă©tend un matelas sur lequel on place le patient Ă  la fin de la torture ou plutĂŽt s’il demande Ă  faire des rĂ©vĂ©lations. Pour la question ordinaire ou prĂ©paratoire, on dresse un petit trĂ©teau de deux pieds de haut sur lequel on Ă©tend le questionnĂ©, les membres tendus par des cordes Ă  des anneaux scellĂ©s dans le mur. Le QUESTIONNAIRE lui soulĂšve la tĂȘte, lui serre le nez et, au moment oĂč il ouvre la bouche pour respirer, introduit le bout d’une corne sciĂ©e par la plus petite extrĂ©mitĂ©. Dans cette corne formant entonnoir, il verse lentement et de haut quatre coquars d’eau, mesure de Paris de deux pintes et chopine chacun (a). L’hiver on fait un peu chauffer l’eau. Un rĂ©cipient est placĂ© sous la tĂȘte de l’accusĂ© pour recueillir ce qui pourrait tomber du liquide, afin que rien ne soit perdu et qu’il n’y ait ni faveur, ni supercherie. Pour la question extraordinaire, mĂȘmes prĂ©cautions. Le condamnĂ© est bandĂ© Ă  force d’hommes le plus fortement possible. Puis le QUESTIONNAIRE reprend sa corne et verse quatre nouveaux coquars d’eau (b).
  • Les BRODEQUINS : Le patient est dĂ©chaussĂ© jusqu’aux genoux. On le fait asseoir, on lui lie les bras et on lui fait tenir les jambes d’aplomb. De chaque cĂŽtĂ© des deux jambes, on lie deux planches, l’une en-dedans, l’autre en-dehors, fixĂ©es par des courroies sous le genou et au-dessus de la cheville. Les deux jambes sont ensuite assemblĂ©es au moyen d’autres courroies bien serrĂ©es. Alors, entre les deux planches placĂ©es dans l’intĂ©rieur des jambes on fait entrer des coins Ă  grands coups de maillet par en haut et par en bas. La question ordinaire est de quatre coins, l’extraordinaire de huit Si les forces du malheureux viennent Ă  dĂ©faillir, on lui donne un peu de vin.L’accusĂ© auquel la torture n’avait arrachĂ© aucun aveu Ă©tait rĂ©putĂ© innocent. AprĂšs la question venait la peine corporelle, trop souvent mortelle, Ă  l’exclusion des PEINES INFAMANTES.

QUESTIONNAIRE : Bourreau qui applique la QUESTION.

RASOIR NATIONAL (LE) : Surnom donné à la GUILLOTINE sous la Révolution.

REBOUTEUX : voir GUÉRISSEUR.

RÉCLUSION : Mise en prison.

RESTAURATEUR DU CORPS HUMAIN : voir GUÉRISSEUR.

RETENTUM : Article non-exprimĂ© dans un arrĂȘt, mais qui n’en devait pas moins recevoir son exĂ©cution. La Cour mettait parfois en retentum que le criminel serait Ă©tranglĂ© au premier, au second, ou au troisiĂšme tour de roue, afin d’abrĂ©ger ses souffrances.

ROUE : C’est ainsi que l’on nommait la peine capitale qui impliquait que l’on fĂ»t rompu vif, le corps attachĂ© Ă  une roue. Dans chacune des quatre branches de la roue Ă©taient pratiquĂ©es deux entailles, Ă  environ un pied l’une de l’autre, afin de crĂ©er des vides sous les membres attachĂ©s sur ces branches, aux endroits oĂč l’exĂ©cuteur devait frapper. Le criminel Ă©tait Ă©tendu sur cette croix, la face tournĂ©e vers le ciel, et le bourreau, armĂ© d’une barre de fer carrĂ©e, rompait d’un coup violent les cuisses, les jambes, les bras et les avant-bras du misĂ©rable ; il terminait l’affreuse opĂ©ration par deux ou trois coups sur la poitrine. On attachait alors le suppliciĂ© sur une roue placĂ©e horizontalement au sommet d’un poteau, les jambes repliĂ©es sous le torse; c’est lĂ  qu’il achevait de mourir. C’est le supplice que subirent Cartouche et Mandrin.

SCHARFRICHTER : Bourreau. Littéralement : juge-tranchant (Alsace, Bùle, Saint-Gall, Pays de Bade).

SCHINDER : Équarrisseur, Ă©boueur.

SELLETTE : SiĂšge de bois fort bas qui Ă©tait disposĂ© dans le prĂ©toire des tribunaux criminels et sur lequel on faisait asseoir l’accusĂ© pour subir son dernier interrogatoire, lorsqu’il Ă©tait conclu contre lui Ă  l’application d’une peine afflictive. Cet interrogatoire Ă©tait le dernier acte de l’instruction dans les procĂšs au grand criminel ; il prĂ©cĂ©dait immĂ©diatement la sentence. De lĂ  vient l’expression ĂȘtre mis sur la sellette.

SUPPLICE : voir QUESTION.

SUPPLICES CAPITAUX : voir PEINES CAPITALES.

SURVIVANCE : voir LETTRE DE PROVISION D’OFFICE.

TORTURE : voir QUESTION.

TOURMENTEUR JURÉ : voir QUESTIONNAIRE.

VALET DE BOURREAU : voir AIDE BOURREAU.

VASISTAS (LE) : Surnom donné à la GUILLOTINE sous la Révolution.

VENGEUR DU PEUPLE : Bourreau (sous la RĂ©volution).

VEUVE (LA) : Surnom donné à la GUILLOTINE sous la Révolution.

WASENMEISTER : Équarrisseur, rifleur, Ă©boueur et pour dĂ©signer le valet du bourreau (par opposition au maĂźtre).


a) La pinte de Paris valant 0,93 litre et la chopine 0,46 litre, le coquar représentait 2,38 litres et, par conséquent, les quatre coquars ingurgités par le patient équivalaient à 9,52 litres.
b) Soit au total 19,04 litres d’eau!


Extraits du Dictionnaire historique et anecdotique des bourreaux, de Michel et Danielle Demorest. Reproduit avec l’aimable autorisation des auteurs.

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