Les familles Pasteur de GenĂšve

L’histoire des familles Pasteur de GenĂšve se confond avec celle de Collonge-Bellerive, une ancienne commune sarde sur la rive gauche du lac, rattachĂ©e au canton de GenĂšve en 1816. La commune comprend trois villages : Collonge, VĂ©senaz et Saint-Maurice. Avec une prĂ©sence attestĂ©e Ă  Saint-Maurice dĂšs le XVe siĂšcle, les Pasteur prennent place parmi les plus anciennes familles de Collonge-Bellerive.

L’ancĂȘtre de la famille est dom Raymond Pasteur, un ecclĂ©siastique, dont le fils Jean Ă©tait granger, c’est-Ă -dire fermier de l’abbaye de Bellerive. A noter que, de toutes les mentions de Jean, une seule, en 1444, le donne comme fils de Raymond.. La premiĂšre mention de Jean date de 1411. C’est un acte d’abergement passĂ© en faveur de l’abbesse de Bellerive pour des biens situĂ©s Ă  Saint-Maurice, dont la « grange » de Saint-Maurice. A cette Ă©poque, une grange dĂ©signe, non pas un bĂątiment, mais des biens (terres et bĂątiments) dĂ©pendant directement de l’abbaye et louĂ©s Ă  un granger. Jean Pasteur est granger pour la moitiĂ© ; l’autre moitiĂ© est en mains de Pierre Porral, Ă©galement de Saint-Maurice.

Sans en avoir la preuve, on peut poser l’hypothĂšse que l’établissement des Pasteur Ă  Saint-Maurice pourrait dater du dĂ©but du XVe siĂšcle : Jean Ă©pouse une certaine Pernette Defronlaville dont la famille est citĂ©e Ă  Collonge en 1357. D’autre part, on n’a trouvĂ©, Ă  ce jour, aucune mention des Pasteur Ă  Collonge-Bellerive avant 1411. Au XVe siĂšcle, il y a des Pasteur Ă  Vandoeuvres, paroisse voisine de celle de Collonge. Il y a donc encore matiĂšre Ă  recherches pour vĂ©rifier cette hypothĂšse.

Pour le XVe et pour la premiĂšre moitiĂ© du XVIe siĂšcle, les Pasteur nous sont connus avant tout par les reconnaissances fĂ©odales qui offrent cet avantage de presque toujours indiquer la filiation paternelle, souvent le prĂ©nom du grand-pĂšre paternel, voire de l’arriĂšre-grand-pĂšre.

GrĂące au rĂŽle de l’impĂŽt bernois, nous possĂ©dons des renseignements sur la situation de la famille Pasteur. En 1550, Maurice († 1572) est imposĂ© sur une « fortune » de 1100 florins, donc au premier rang, puisque les autres s’échelonnent de 5 Ă  798 florins. Ce Maurice est le chef de la branche principale et fut pĂšre de Claude-François, notaire qui instrumenta Ă  Saint-Maurice de 1573 Ă  1599. Ses minutes sont aux Archives d’État de GenĂšve et sont une source trĂšs prĂ©cieuse pour l’étude des familles de Collonge-Bellerive et de leurs conditions de vie Ă  cette Ă©poque. Maurice fut aussi le grand-pĂšre d’Antoine, Ă©galement notaire comme son oncle. Il se fixa Ă  GenĂšve dont il fut reçu bourgeois en 1633. Sa descendance forme la branche des Pasteur de GenĂšve, qui a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par le gĂ©nĂ©alogiste Galiffe.

Des branches restĂ©es Ă  Saint-Maurice, une passa Ă  Collonge oĂč elle s’éteignit en 1774, et une autre Ă  VĂ©senaz. Ces branches eurent des rameaux qui ont essaimĂ© dans les paroisses voisines : Choulex, Meinier, Corsier, et dĂšs le XIXe siĂšcle Ă  GenĂšve et dans d’autres communes. Une de ces branches s’est Ă©tablie vers 1660 Ă  Vallard, aujourd’hui commune de Gaillard, en Haute-Savoie, Ă  la frontiĂšre suisse. De nationalitĂ© française, cette branche des Pasteur semble encore reprĂ©sentĂ©e Ă  Annemasse et Ă  Gaillard. Sa gĂ©nĂ©alogie a pu ĂȘtre dressĂ©e jusqu’en 1900.

A noter que les Pasteur de Saint-Maurice, Ă  part deux notaires, sont tous des laboureurs jusqu’au XIXe siĂšcle. Il faut encore prĂ©ciser que toutes ces familles Pasteur sont ressortissantes de la commune de Collonge-Bellerive depuis le rattachement au canton de GenĂšve. A l’exception d’un rameau originaire de la commune de Choulex, pour une raison assez curieuse : ces Pasteur habitaient le hameau de la Capite situĂ© Ă  cheval sur une route cantonale qui forme limite entre les communes de Collonge-Bellerive et de Choulex. En 1816, ces Pasteur habitaient cĂŽtĂ© Choulex, ils furent donc attribuĂ©s Ă  Choulex oĂč ils se sont Ă©teints en 1986.

La branche des Pasteur de GenĂšve remonte, comme dĂ©jĂ  dit, Ă  Antoine, notaire, nĂ© vers 1580 et † en 1654. AprĂšs Saint-Maurice, il instrumenta Ă  GenĂšve dĂšs 1632 et y fut reçu bourgeois l’annĂ©e suivante. Neveu de notaire, il avait Ă©pousĂ© Jacqueline Guigonnat, fille d’un notaire de Corsier, d’une famille qui compta Ă©galement plusieurs gĂ©nĂ©rations de notaires Ă  GenĂšve et Ă  Corsier et peut se vanter d’une gĂ©nĂ©alogie remontant Ă  1357.

Selon Galiffe, cet Antoine Pasteur eut 7 enfants, dont Pierre-Antoine qui s’établit Ă  Lausanne oĂč il fut reçu bourgeois vers 1655 et eut un fils prĂ©nommĂ© Pierre-Antoine, plus tard pasteur prĂšs d’Avenches. Cette branche Ă©tait encore reprĂ©sentĂ©e au pays de Vaud en 1720. Elle est nĂ©anmoins distincte de la branche vaudoise des Pasteur, dont le plus lointain ancĂȘtre connu est Jacob Pasteur, ExĂ©cuteur de haute justice Ă  Bienne (1656) puis Ă  Moudon (1675), et dont les descendants vivent aujourd’hui en Suisse et en France.

Le deuxiĂšme fils d’Antoine, Louis Pasteur, fut Ă©galement notaire. Un de ses fils, Jean-Marc, a formĂ© une branche vaudoise qui a comptĂ© un directeur des postes Ă  Vevey, un banquier Ă  GĂȘnes, et un BĂ©at Pasteur, reçu Ă  la bourgeoisie de Vevey en 1719. Sa descendance s’établit Ă  Livourne, puis Ă  GĂȘnes et Ă  Paris. Des Pasteur vivent encore Ă  GĂȘnes aujourd’hui. Le notaire Louis Pasteur fut pĂšre de Louis et grand-pĂšre d’AndrĂ©, tous deux Ă©galement notaires Ă  GenĂšve, et de Jean-Pierre, avocat. Aux deux gĂ©nĂ©rations suivantes, nous trouvons AndrĂ© et William Pasteur, qui furent tous deux directeurs des postes Ă  GenĂšve. Un fils de William s’établit Ă  Londres et leurs descendants vivent aujourd’hui en Angleterre.

Tout en s’établissant Ă  GenĂšve en 1632, le notaire Antoine Pasteur Ă©tait restĂ© propriĂ©taire Ă  Saint-Maurice. Il augmenta ses biens par de nombreuses acquisitions, aussi bien de ses cousins restĂ©s au village que d’autres habitants. A la fin du XVIIe siĂšcle, ses descendants, plus particuliĂšrement ses petits-fils Jean-Pierre, avocat, et Louis, notaire, comme ses pĂšre et grand-pĂšre, Ă©taient Ă  la tĂȘte d’un immense domaine au sud du village de Saint-Maurice et de deux bĂątiments au village. On peut relever qu’une de ces deux maisons Ă©tait celle mentionnĂ©e dans l’acte d’abergement de 1411. Cette maison fut vendue aux Pasteur de Saint-Maurice au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle. Le reste du domaine passa Ă  un noble savoyard, le baron Vignet des Etoles en 1795, ce qui n’était peut-ĂȘtre pas le meilleur moment pour un noble d’acquĂ©rir des biens fonciers. Joseph-Marie Vignet, qualifiĂ© de « citoyen Vignet » dans l’acte de vente, ne semble pas avoir Ă©migrĂ©, car il Ă©tait toujours propriĂ©taire, Ă  sa mort, en 1803.

Les Pasteur de GenĂšve ont donc Ă©tĂ© propriĂ©taires Ă  Saint-Maurice jusqu’en 1795. La branche restĂ©e au village s’y est Ă©teinte en 1917. Le dernier reprĂ©sentant d’une de celles fixĂ©es Ă  GenĂšve au XIXe siĂšcle a Ă©tĂ© Lucien Pasteur, joueur professionnel de football, qui a participĂ© Ă  de nombreux matches internationaux. Il est dĂ©cĂ©dĂ© en 1980. Quant Ă  la branche de VĂ©senaz, elle s’est multipliĂ©e en de nombreux rameaux dont certains existent encore mais avaient quittĂ© Collonge-Bellerive au XIXe siĂšcle. Enfin, retour aux sources, une de ces branches est revenue au village de Collonge il y a une trentaine d’annĂ©es avec Jean-Marc Pasteur, dont un fils, Lionel, nĂ© en 1973, s’est mariĂ© il y a trois ans.

Au dĂ©but du XVIIe siĂšcle, un autre Pasteur de Saint-Maurice, Jacques, s’établit Ă  GenĂšve et y fit souche. Sa descendance a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par Galiffe qui n’avait pu la rattacher Ă  la branche principale. C’est maintenant chose faite.

On connaĂźt Ă  GenĂšve une autre famille Pasteur, bourgeoise de Gex, dans le dĂ©partement de l’Ain. La gĂ©nĂ©alogie de ces Pasteur a pu ĂȘtre Ă©tablie, depuis leur Ă©tablissement dans la campagne genevoise en 1636, puis en ville. A la troisiĂšme gĂ©nĂ©ration, on trouve Thomas qualifiĂ© de « maĂźtre charpentier de la Seigneurie » ce qui lui valut d’ĂȘtre reçu bourgeois gratuitement en 1649. Il existe un lien – bien tĂ©nu, il est vrai – entre cette branche et celle de Saint-Maurice : un frĂšre de Thomas, Joseph Pasteur, a Ă©tĂ© propriĂ©taire Ă  Saint-Maurice par sa femme Sara, fille d’Isaac PERTEMPS, bourgeois de GenĂšve. Plus remarquable est le fait qu’ils vendirent leurs biens, dont une maison au village, aux Pasteur de GenĂšve, Ă  la fin du XVIIe siĂšcle. Cette famille de Gex s’est Ă©teinte Ă  GenĂšve avec le dĂ©cĂšs de Jean-Louis Pasteur, mort en 1891.

Aujourd’hui, une vingtaine de Pasteur sont Ă©tablis Ă  GenĂšve, parmi lesquels les descendants de dom Raymond Pasteur.


Pour rĂ©sumer …

La généalogie en ligne ininterrompue remonte à dom Raymond Pasteur, pÚre de Jean Pasteur, de Saint-Maurice, vivant en 1425 (189).

La famille s’est divisĂ©e trĂšs tĂŽt en plusieurs branches dont une eut pour chef Antoine Pasteur (1580-1654), notaire Ă  Saint-Maurice, puis Ă  GenĂšve oĂč il fut reçu Ă  la bourgeoisie en 1633 (190). La descendance des Pasteur de GenĂšve a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par Galiffe (191). Cette branche est Ă©teinte Ă  GenĂšve (192) mais existe encore en Angleterre.

Une autre branche remonte à Jacques Pasteur (1632-1692) fixé à Vallard (ThÎnex) au milieu du XVIIe siÚcle. Ces Pasteur sont encore représentés à Gaillard (Haute-Savoie).

Parmi les Pasteur Ă©tablis Ă  VĂ©senaz dĂšs 1712 avec Pierre-François (1670-1730), certains ont Ă©tĂ© reconnus genevois pour Collonge-Bellerive. Leur descendance est encore prĂ©sente Ă  ChĂȘne-Bougeries, GenĂšve et Plan-les-Ouates. D’autres ont Ă©tĂ© « attribuĂ©s » en 1829 Ă  la commune de Choulex parce qu’ils habitaient la partie du hameau de La Capite rattachĂ©e Ă  cette commune.

Ce rameau de Choulex est encore représenté à GenÚve par Madame Julia Thorel-Pasteur.

Enfin la branche restĂ©e Ă  Saint-Maurice – oĂč elle vivait encore en 1917 – s’est Ă©teinte en la personne de Lucien Pasteur, international de football, dĂ©cĂ©dĂ© Ă  GenĂšve le 9 mai 1980.


Notes:

(189) GALIFFE, Notices généalogiques, vol. 2, p. 626.
(190) A. COVELLE, Le livre des bourgeois, p. 352.
(191) op. cit.
(192) en la personne de Marie Pasteur, décédée le 24 juIllet 1955.


Source: Georges Curtet. Collonge-Bellerive – Notes d’histoire, Vol. I & II, 1986)

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