Paul Émile Pasteur, de nationalité suisse, est né le 7 Octobre 1884 à Montreux (canton de Vaud, Suisse). Plein de ressources, de talent, d’énergie et de réalisme social, Paul Émile Pasteur accomplit durant sa vie un travail missionnaire admirable, tant sur le plan religieux (formation de pasteurs indigènes) que sur le plan culturel (enseignement général et technique) et matériel (construction de bâtiments, cultures et élevage).
Autodidacte, ouvert aux méthodes d’avant-garde, doué d’une personnalité très forte mais sans diplôme, artisan missionnaire sans pouvoir réel de décision, homme de terrain rompu aux tâches les plus diverses, exécutées avec patience et détermination, il eut à souffrir du mépris, de la condescendance ou de la critique de ceux qui avaient fait des études, de ceux qui avaient un titre à l’actif de leur réputation.
Le jeune Paul Émile n’a que dix ans à la mort de son père et il quitte l’école quatre ans plus tard, sa mère ne pouvant subvenir à ses frais d’études. Il s’engage comme apprenti dessinateur au service topographique de Montreux, puis ira travailler comme dessinateur industriel à Genève, Paris et Londres jusqu’en 1912.
Membre actif de l’Union chrĂ©tienne de Jeunes Gens, il dĂ©cide en 1913 de partir en mission. La SociĂ©tĂ© des Missions Ă©vangĂ©liques de Paris l’envoie au Gabon diriger la station de Ngomo sur les rives de l’OgoouĂ© (en aval de LambarĂ©nĂ© oĂą est installĂ© le Dr. Schweitzer). Exploitation forestière, Ă©cole, Ă©vangĂ©lisation, il s’attelle Ă ses nouvelles tâches avec Ă©nergie et enthousiasme. Mais il doit rentrer prĂ©cipitamment en Suisse deux ans plus tard, atteint d’une double pleurĂ©sie qui l’obligera Ă subir trois opĂ©rations consĂ©cutives et une longue convalescence qu’il mettra Ă profit pour Ă©tudier la mĂ©decine et s’initier au mĂ©tier d’infirmier.
En 1919, il Ă©pouse HĂ©lène FĂ©lix, institutrice formĂ©e aux mĂ©thodes Montessori Ă l’école de St. Prex, et tous deux s’embarquent un mois plus tard pour la Nouvelle CalĂ©donie, oĂą la SociĂ©tĂ© des Missions Ă©vangĂ©liques de Paris leur a demandĂ© d’assurer l’intĂ©rim de Maurice Leenhardt Ă la station de Do Neva pendant son absence. Tandis que son Ă©pouse et une autre institutrice, HĂ©lène Capt, s’occupent de la scolarisation des enfants et de l’instruction des femmes, Paul Émile Pasteur assure l’enseignement des catĂ©chumènes et des futurs natas (pasteurs indigènes), supervise le dĂ©veloppement matĂ©riel de la station, relance les cultures et l’élevage permettant de subvenir aux besoins de Do Neva, rĂ©pare ou construit salles de classe et internats, forme des artisans. La « vieille Ă©cole » de Do Neva, commencĂ©e par Paul Laffay, mort Ă la guerre en 1917, est achevĂ©e par ses soins et l’aide active de quelques Ă©tudiants formĂ©s Ă cet effet. Ce fut une Ĺ“uvre de longue haleine mais Paul Émile Pasteur sut « faire Ă©cole de la construction d’une Ă©cole ». Cette construction exclusivement indigène que la population protestante d’aujourd’hui identifie comme sa première Ă©cole, victime du temps et de plusieurs cyclones, a Ă©tĂ© restaurĂ©e en 2003 Ă l’occasion des fĂŞtes du centenaire de Do Neva et fait dĂ©sormais partie du patrimoine territorial.
Dans son travail, il est appuyĂ© par Édouard Benignus, pasteur Ă NoumĂ©a, avec qui il fera plusieurs visites et missions d’Ă©vangĂ©lisation, Ă cheval, dans les tribus de la cĂ´te Est et du Nord de la Grande Terre.
À son retour à Do Neva en décembre 1923, Maurice Leenhardt confie à Paul Émile Pasteur le soin de réorganiser la vieille station missionnaire de Rô, à Maré. Fondée en 1841 par les pasteurs anglais de la London Missionary Society, elle est sans missionnaire attitré depuis le départ du pasteur Delord en 1911. Accompagnés de leurs deux filles, nées à Canala et Houaïlou, Hélène et Paul Émile Pasteur arrivent à Rô en avril 1924. La tâche est rude : remise en marche de la vieille imprimerie permettant la publication de textes, dont le Nouveau Testament, en Nengone, la langue de Maré ; formation pastorale, scolaire et professionnelle ; soins aux lépreux, nombreux à l’époque, avec l’aide d’infirmières missionnaires dévouées. En juillet 1924 naît leur troisième enfant, un garçon.
En juin 1925, à la demande de la Société des Missions de Paris et contre son gré, Paul Émile Pasteur quitte Maré et regagne la Suisse avec sa famille, après six années de travail ininterrompu comme artisan missionnaire et ouvrier de la foi en terre de mission.
De retour au pays, Paul Émile Pasteur n’a qu’une idĂ©e au cĹ“ur, retourner Ă MarĂ© pour achever le travail entrepris et prĂ©maturĂ©ment interrompu. Il projette d’y soigner les lĂ©preux et, plus largement, « organiser et faire vivre, par le travail des jeunes et l’aide des anciens, un service d’hygiène et de prophylaxie, dans les rĂ©serves affectĂ©es aux lĂ©preux ». Il dessine les plans d’un village idĂ©al pour lĂ©preux rĂ©pondant le mieux aux circonstances locales et au but poursuivi, une station de soins comprenant Ă©cole, atelier d’apprentissage, internat, dispensaire et un service de rĂ©insertion dans la vie active. Son projet se veut aussi social et pĂ©dagogique, une « tentative d’éducation civique destinĂ©e Ă rehausser la dignitĂ© de l’indigène en le libĂ©rant de la tutelle europĂ©enne ».
Pour mener Ă bien son entreprise, il lance une souscription, crĂ©e un comitĂ© de soutien, « l’Œuvre de MarĂ© », multiplie les contacts. Il collecte des dons, anime des confĂ©rences illustrĂ©es par des « projections lumineuses » de ses aquarelles, organise la vente de cartes postales reprĂ©sentant des fleurs de Nouvelle-CalĂ©donie peintes par lui-mĂŞme, Ă©dite un bulletin… Sur le point de partir, ayant rĂ©uni les fonds et les ressources nĂ©cessaires grâce au formidable rĂ©seau de solidaritĂ© qu’il a rĂ©ussi Ă constituer, Paul Émile Pasteur doit pourtant renoncer Ă rĂ©aliser son vĹ“u le plus cher, faute d’avoir obtenu les autorisations nĂ©cessaires auprès du ministère des Colonies de France. « J’ai cherchĂ© des hommes, j’ai trouvĂ© des fonctions » Ă©crit-il dans son journal en mars 1927. Cet Ă©chec douloureux ne l’écartera pourtant pas de son constant dĂ©sir de retourner lĂ oĂą il donna et laissa un si grand moment de sa vie. Soucieux de donner Ă ses quatre enfants – une dernière fille est nĂ©e Ă Lausanne en 1926 – la possibilitĂ© de faire les Ă©tudes qu’il n’avait pu lui-mĂŞme poursuivre et sa santĂ© ne lui permettant plus d’affronter longtemps les hivers helvĂ©tiques, il repartira en 1937 avec toute sa famille en Nouvelle-CalĂ©donie et passera plusieurs annĂ©es Ă MarĂ© avant de s’installer Ă NoumĂ©a oĂą la mort le surprend en 1951, Ă l’âge de 67 ans.
Source : Henry & Olivier Pasteur
Voir aussi:
- Ngomo, Gabon (1914-1916)
- Do Néva, Nouvelle Calédonie (1919-1925)
- Photos et aquarelles de Paul Émile Pasteur
- Paul Émile Pasteur et l’Ĺ’uvre de MarĂ© en faveur des lĂ©preux – I
- Paul Émile Pasteur et l’Ĺ’uvre de MarĂ© en faveur des lĂ©preux – II
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